Un décret controversé sur la fin de vie devant le Conseil constitutionnel

Saisis par un groupement d’associations, les Sages du Conseil constitutionnel se penchent ce 23 mai sur un décret controversé, relatif à l'arrêt des traitements des patients en fin de vie incapables d'exprimer leur volonté.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Un décret controversé sur la fin de vie devant le Conseil constitutionnel

Selon une information du Figaro, confirmée par l'AFP, les Sages du Conseil constitutionnel ont été saisis par l'Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et de cérébro-lésés (UNAFTC). Dans le viseur de cette dernière, un décret d'application de la loi Claeys-Leonetti sur la fin de vie, publié le 3 août 2016. Celui-ci stipule notamment que "la décision […] d'arrêt de traitement est prise par le médecin en charge du patient à l'issue de la procédure collégiale" (concertation avec l'équipe de soins et avis d'un médecin consultant).

L'UNAFTC déplore que l'arrêt des traitements "d'un patient incapable de s'exprimer et qui n'a pas laissé de directive" incombe actuellement "aux seuls médecins", et que les proches du patient ne soient pas davantage associés à la décision. Elle conteste surtout le fait que ces dispositions figurent dans un décret – rédigé par le gouvernement – et non dans la loi elle-même.

"Dans une matière qui touche au droit à la vie, le législateur aurait dû prendre ses responsabilités et organiser lui-même cette procédure collégiale", assure à l'AFP l'avocat de l'UNAFTC, Me François Molinié.

D’ici 10 à 15 jours, le Conseil constitutionnel statuera sur la conformité constitutionnelle du texte. En cas de réponse négative, la loi pourrait à terme être réécrite, selon maître Molinié.

Un décret au cœur d’affaires médiatisées

Ces questions sont au coeur de deux cas emblématiques: celui de Vincent Lambert et de la petite Marwa. Ainsi, le sort de Vincent Lambert, dans un état végétatif depuis un accident de la route en 2008, n'est toujours pas tranché : sa femme et ses parents s'opposent sur l'arrêt de ses soins. Dans l'autre affaire, le Conseil d'Etat a ordonné en mars la poursuite des traitements d'une petite fille lourdement handicapée d'un an et demi, Marwa, contre l'avis des médecins auxquels s'opposaient les parents.

"La loi Claeys-Leonetti a été votée après l'affaire Lambert, or elle ne règle pas la situation des personnes qui ne peuvent pas exprimer leur souhait", fait valoir Me Molinié. Il suggère l'introduction dans la loi d'un dispositif de "médiation" en cas de conflit afin que le médecin ne soit pas "juge et partie".

Autre souhait de l'UNAFTC, l'instauration d'un "vrai processus collégial" dans la prise de décision, associant les proches. "Nous souhaitons que, quand il y a une incertitude dans ce que demande la personne, on atteigne un consensus", souligne l'avocat. Ce processus soulève toutefois une difficulté illustrée par l'affaire Vincent Lambert : qui, dans l'entourage du patient, peut être qualifié de proche susceptible d'être associé à la décision ? Ce point-là aurait aussi dû être abordé par la loi, selon Me Molinié.

avec AFP

Promulguée le 2 février 2016, la loi Claeys-Leonetti prévoit notamment un "droit à la sédation profonde et continue" jusqu'à la mort pour certaines personnes et rend contraignantes les "directives anticipées", par lesquelles chacun peut faire connaître son refus d'un acharnement thérapeutique. Elle n'autorise pas l'euthanasie et le suicide assisté.

Cette loi complète la loi Leonetti de 2005, qui instaurait le droit "de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie".