Un placenta pour soigner la cornée

La greffe de tissu issu du placenta est une technique extraordinaire qui permet de réparer des cornées détruites. Normalement jeté après un accouchement, le placenta peut sauver des yeux agressés par des virus, des maladies chroniques ou une projection de produit chimique… Donner son placenta, c'est donc rendre la vue. Et tout commence par une naissance…

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Un placenta pour soigner la cornée

Pansement de cornée : le prélèvement de membrane amniotique

Reportage de Géraldine Zamansky, Maxime Soulard et Eliane Lassibile.
Reportage de Géraldine Zamansky, Maxime Soulard et Eliane Lassibile.

C'est l'histoire d'un don, l'histoire d'une naissance qui va rendre la vue à des yeux abîmés par une maladie ou un accident de la vie. C'est l'histoire du don de placenta ou plus précisément des membranes qui entourent le fœtus pendant la grossesse. Ces membranes ont le pouvoir d'aider la surface de l'œil à cicatriser.

Tout commence par un don de placenta. Un don qui va permettre de réaliser des greffes sur des cornées blessées sous certaines conditions comme le confirme le Dr Alexandra Letourneau, gynécologue-obstétricienne : "le don de placenta ne peut s'envisager que lors d'une césarienne puisque lors d'une césarienne, nous sommes dans des conditions d'aseptie strictes, ce qui n'est pas le cas lors d'un accouchement par les voies naturelles parce que le placenta est obligé de passer par les voies naturelles maternelles". Le prélèvement est donc réalisé dans des conditions parfaitement stériles.

Le placenta est alors exactement traité comme un organe dans le cadre d'une greffe : liquide de conservation spécial, protections multiples et glace réfrigérante pour éviter sa dégradation… Des sérologies prélevées avant la césarienne accompagnent également le placenta. Ces prélèvements permettront de vérifier l'absence d'infection. La sécurité du don passe aussi par sa traçabilité avec le consentement écrit de la mère et toute une série de documents sur les conditions de la césarienne.

Quelques heures plus tard, à la banque de tissus humains, la lutte contre le moindre risque de contamination continue. C'est dans un environnement totalement stérile que le placenta est préparé.

Aucun risque de rejet

La véritable source de greffon est la membrane amniotique. Elle est donc séparée du reste du placenta et conservée dans un liquide antibiotique. Des échantillons sont ensuite envoyés au laboratoire ainsi que l'ensemble du placenta. Il faut alors contrôler la moindre anomalie invisible à l'œil nu. "Il faut s'assurer que le tissu à l'origine des greffons va être de la meilleure qualité possible pour une utilisation thérapeutique", note le Dr Mohamed Jarraya, responsable de la banque de tissus humains à l'hôpital Saint-Louis.

Ce n'est donc qu'après 24 heures de traitement antibiotique que la membrane passe véritablement du statut de résidu opératoire à celui de greffon pour la chirurgie ophtalmologique. C'est la partie fœtale d'un dixième de millimètre d'épaisseur qui va être conservée. Les cellules qui la composent en font une sorte de pansement très cicatrisant pour les cornées abîmées, sans aucun risque de rejet. "Comme la membrane amniotique est à l'interface entre la maman et le bébé, elle a un privilège immunologique, c'est-à-dire qu'elle n'entraîne pas de rejet", explique le Dr Mohamed Jarraya.

Chacun des morceaux de membrane amniotique peut être greffé sur n'importe quel œil, dont la cornée est en souffrance. Ils pourraient être conservés deux ans dans des congélateurs mais les besoins sont tellement importants qu'ils n'y passent jamais plus de quatre mois.

Pansement de cornée : la greffe de membrane amniotique

Un placenta pour soigner la cornée
Attention images de chirurgie ! Greffe de membrane amniotique en ophtalmologie

Les membranes amniotiques sont des tissus aux propriétés rares que certaines mamans acceptent de donner pour sauver des yeux.

La membrane d'un dixième de millimètre d'épaisseur est alors posée et fixée sur la cornée par des points de suture microscopiques. Et si la fusion est possible, c'est d'abord parce que ces tissus sont presque identiques à ceux de la cornée, mais aussi grâce à plusieurs autres caractéristiques qui facilitent ce processus. "La membrane amniotique comporte des facteurs de croissance d'origine embryonnaire qui stimulent la cicatrisation. Il n'y a aucun risque de rejet alors qu'une greffe de cornée peut être rejetée. La membrane amniotique a des propriétés immunologiques qui ne sont pas rejetées. Une fois qu'elle a servi, elle se désagrège. La membrane amniotique est donc un outil incroyable pour la cicatrisation cornéenne", souligne le Dr Eric Gabison, chirurgien ophtalmologiste.

Plus le retard de cicatrisation sera prolongé, plus il y a un risque de cicatrisation de type opaque, on parle alors de fibrose, et la cornée perd sa transparence. "La membrane amniotique donne le coup de pouce qui va permettre à ses propres cellules de cicatriser", précise le Dr Eric Gabison.

Puisque le don de membrane amniotique est comme les autres dons, anonyme et gratuit, les patients qui ont bénéficié du don ne peuvent remercier leur donneur. Mais ils pensent longtemps à cette naissance qui leur a permis d'aller mieux.

En savoir plus

Sur Allodocteurs.fr :