Dépakine : combien de malformations ?

La Dépakine® et ses dérivés ont provoqué des "malformations congénitales majeures" chez "2.150 à 4.100 enfants" depuis le début de leur commercialisation en 1967, selon une première évaluation de l'Agence du médicament et de l'Assurance-maladie, publiée ce 20 avril.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Dépakine : combien de malformations ?

Afin d’estimer le nombre d'enfants souffrant de malformations congénitales graves liées à la Depakine® (valproate de sodium) et ses dérivés, les chercheurs ont étudié près de 2 millions de naissances achevées entre le 1er janvier 2011 et le 31 mars 2015. L'étude a croisé les données de soins (remboursements, hospitalisations...) des mères et l'état de santé de leur enfant, grâce à la base de données de l'Assurance-maladie (Sniiram).

Cette approche a permis d’évaluer le nombre d'enfants atteints sur l'ensemble de la période de commercialisation, allant de 1967 à 2016, de ce traitement contre l'épilepsie ou les troubles bipolaires.

"L'étude confirme le caractère tératogène (c’est-à-dire générateur de malformations, NDLR) très important du valproate. Autour de 3.000 malformations majeures, c'est particulièrement élevé", a déclaré à l'Agence France Presse, le Dr Mahmoud Zureik, directeur scientifique à l'ANSM et co-auteur de l'étude.

Consommation en forte baisse

Depuis 2015, le valproate de sodium ne peut être prescrit aux femmes enceintes ou en âge de procréer qu'en cas d'échec des autres traitements disponibles dont le risque est bien moindre. On observe "une baisse d'utilisation du valproate et de ses dérivés de l'ordre de 30% ces deux dernières années chez les femmes en âge de procréer comparée aux deux années précédentes", relève M. Zureik. "Et nous voulons que cette baisse s'accentue".

Le risque de malformations congénitales majeures [1] est quatre fois plus élevé chez les enfants nés d'une femme traitée par valproate (Dépakine® et autres formes du médicament) pour une épilepsie, par rapport aux enfants non exposés in utero à cette molécule, et deux fois plus élevé lorsqu'elle est traitée par valproate pour troubles bipolaires, selon l'étude.

"Pour les troubles bipolaires, l'arrêt du traitement en début de grossesse est fréquent, plus de trois quarts des traitements par [valproate de sodium] sont stoppés au premier trimestre de la grossesse et par ailleurs l'observance du traitement est bien moins grande", explique M. Zureik. Or, "le risque de malformations majeures est limité aux deux premiers mois de grossesse", précise le Dr Alain Weil (Assurance maladie) co-auteur de l'étude.

Malformations, troubles neurodéveloppementaux : combien de victimes au total ?

Une étude sur ces troubles "neurodéveloppementaux" est attendue pour le second semestre 2017. Le risque que l'enfant naisse avec une malformation est de l'ordre de 10% et le risque de troubles neurodéveloppementaux de 30% à 40%.

Catherine Hill, épidémiologiste à l’Institut Gustave-Roussy qui n'a pas participé à l'étude, avait récemment avancé une estimation "prudente" de 14.000 victimes, en retenant l'hypothèse de "40% d'enfants atteints" dans l'ignorance de la fréquence de l'association des deux types de problèmes.

Plusieurs actions en justice ont été lancées par des familles de victimes et l'association Apesac, qui reprochent à Sanofi de ne pas avoir informé les femmes enceintes.

 


[1] Parmi 26 malformations congénitales majeures étudiées, des anomalies du système nerveux comme le spina bifida (absence de fermeture de la colonne vertébrale) cause de décès et de paralysie, des anomalies cardiovasculaires ou encore des organes génitaux externes sont pointées dans ces travaux.

De 1967 à 2016, entre 64.100 et 100.000 grossesses auraient été exposées au valproate au total, et auraient donné lieu de 41.200 à 75.300 naissances vivantes. Le valproate est commercialisé depuis 1967 pour le traitement de l'épilepsie (sous la marque Depakine® de Sanofi puis sous d'autres marques génériques) et depuis 1977 pour les troubles bipolaires (Dépamide, puis Depakote en 2000).

Le risque de malformations est connu depuis le début des années 1980, notamment le spina bifida, 20 fois plus fréquent parmi les enfants exposés in utero quand la mère est traitée pour épilepsie, selon l'étude. Le risque accru de retards du développement et de troubles de type autistiques a été mis en évidence dans les années 2000.