Les pharmaciens autorisés à délivrer des médicaments sans l'ordonnance du médecin ?
Un député LREM propose un amendement au projet de loi santé qui permettrait aux pharmaciens de délivrer en urgence des médicaments normalement prescrits sur ordonnance.
Pourra-t-on bientôt acheter des médicaments en pharmacie sans passer par la case médecin ? Si l'amendement déposé par le député La République en marche (LREM) et rapporteur du projet de loi Santé, Thomas Mesnier est adopté, cela pourrait devenir possible. La liste de pathologies et des médicaments concernés reste à définir.
Gilles Bonnefond, président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO) a répondu aux questions du Magazine de la santé.
- Dans quelles conditions pourriez-vous être autorisés à délivrer certains médicaments sans ordonnance du médecin ?
Gilles Bonnefond : "Nous pourrions le faire quand il n'y a pas besoin obligatoirement de diagnostic médical. Nous pouvons parfois avoir certaines réponses sans exploration médicale et donc on peut permettre à des patients d'avoir accès à des médicaments sans avoir besoin d'avoir rendez-vous chez le médecin, ce qui n'est pas toujours évident en fin de semaine par exemple. Cela permettrait aussi parfois d'éviter d'encombrer les urgences lorsque cela n'est pas nécessaire. Cela se fait dans d'autres pays, en Suisse, au Canada, en Ecosse par exemple. Dans ces pays, les pharmaciens et les médecins se sont mis d'accord sur des protocoles de prise en charge pour bien cibler les patients et les situations particulières pour être en sécurité et surtout pouvoir organiser l'échange avec le médecin. Par exemple, quand un patient est venu à la pharmacie, il est important que le médecin soit informé des médicaments que le pharmacien a conseillé."
- Quelles pathologies cela pourrait concerner ?
Gilles Bonnefond : "Cela concernerait uniquement des soins non programmés en cas d'urgence. Par exemple pour des cystites, des conjonctivites, des affections ORL, des gastro-entérites aussi. Il s'agit a priori de pathologies bénignes mais il n'y a aucun médicament bénin donc c'est important qu'ils soient bien utilisés et que le médecin soit informé car si l'épisode se renouvelle trop souvent, cela signifie qu'il va falloir qu'il fasse une exploration plus approfondie."
- Aujourd'hui, il arrive parfois que les pharmaciens « dépannent » leurs clients, pourquoi faut-il une loi ?
Gilles Bonnefond : "Parce que nous n'avons pas accès à tous les médicaments. Par exemple, en cas de cystite. Beaucoup de femmes ont déjà connu cette situation où par exemple le samedi, le médecin n'est pas disponible, et on ne va pas aller encombrer les urgences. Or là, nous pharmaciens, nous ne pouvons pas apporter une réponse adaptée à la situation. Donc il faut « protocoliser » les choses, voir si la personne est éligible, si elle a déjà eu ce type de problème, s'il n'y a pas eu de douleurs autres... c'est assez simple, il y a trois questions à poser, ce n'est pas un diagnostic et cela permet d'avoir une réponse immédiate."
- N'y a-t-il pas un risque de confusion des rôles entre médecins et pharmaciens ?
Gilles Bonnefond : "Nous, nous faisons très bien la différence entre les deux métiers. Le diagnostic, le pharmacien ne sait pas faire. Nous ne l'avons pas appris et il n'est pas question de le faire à la place du médecin. Et quand un patient vient et que ça devient compliqué, on lui explique qu'on ne peut pas le prendre en charge et que l'on va appeler son médecin pour qu'il le prenne en charge. C'est simplement une question de complémentarité entre pharmaciens et médecins. Nous pouvons apporter beaucoup pour une meilleure organisation des soins, à condition de suivre des protocoles précis pour que cela se fasse en sécurité."