Certaines postures de yoga seraient à déconseiller en cas de glaucome

Parce qu'elles entraînent une augmentation importante de la pression intraoculaire, les postures du yoga qui placent le pratiquant tête en bas pourraient être délétères pour les patients atteints de glaucomes, suggère une étude nord-américaine, publiée fin décembre 2015, dans la revue PLOS One.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
La posture du "chien tête en bas". Source : doi:10.1371/journal.pone.0144505.g002
La posture du "chien tête en bas". Source : doi:10.1371/journal.pone.0144505.g002
Les quatre positions évaluées par les chercheurs, avec leurs noms traditionnels (voir note 2). Source : doi:10.1371/journal.pone.0144505.g002
Les quatre positions évaluées par les chercheurs, avec leurs noms traditionnels (voir note 2). Source : doi:10.1371/journal.pone.0144505.g002

Une augmentation de la pression dans le thorax ou l'abdomen peut comprimer les vaisseaux sanguins. Cette surpression est transmise dans tout le corps, et les vaisseaux les plus délicats - ceux de l'œil - sont alors soumis à rude épreuve. Les exemples d'activités vigoureuses et d'efforts rapides conduisant des sujets sains à une cécité transitoire sont nombreux.

Si une activité comme le yoga n'a que peu avoir avec l'épaulé-jeté de l'haltérophile, des personnes atteintes de pathologies oculaires telles que le glaucome (voir encadré) devraient peut-être se méfier de certaines positions pourtant populaires. Telle est la conclusion d'une étude initiée en 2013 par des chercheurs nord-américains, portant sur la mesure de la tension oculaire (liée à la pression intraoculaire) de dix sujets atteints de glaucome et de dix sujets sains, tous pratiquants du yoga depuis au moins 12 mois.

Une augmentation significative de la tension oculaire lors de la tenue de la position du poirier - avec des suspicions d'effets sur l'évolution des glaucomes - a déjà abondamment été décrite dans la littérature scientifique [1]. Aussi, les chercheurs ont souhaité évaluer quatre autres positions du yoga, plaçant les sujets tête en bas : la posture du "chien tête en bas", celle "de l'étirement intense ", celle "de la charrue" et les "jambes aux murs" [2]. Chacune ont été tenues deux minutes par les participants. Les mesures de la tension oculaire ont été réalisées par tonométrie à air (mesure de la déformation de la cornet soumise à un jet d'air projeté très brièvement), avant, pendant, et après chaque exercice.

Chez tous les participants, "toutes les poses de yoga ont été associées à une augmentation significative de la [tension oculaire] une minute après la prise de la posture", détaillent les auteurs dans un article publié fin décembre dans PLOS One. La plus forte augmentation a été mesurée avec la posture du "chien tête en bas", la tension oculaire passant en moyenne de 17 mmHg à 28 mmHg chez les patients atteints de glaucome (l’augmentation est du même ordre de grandeur chez les patients sains). La position "de l'étirement intense" arrive juste derrière, avec une augmentation moyenne de 10 mmHg dans le groupe "glaucome" (8 dans le groupe témoin). La "charrue" augmente la tension oculaire d'environ 6 mmHg dans le premier groupe (4 dans le second), et les "jambes au mur" de l'ordre de 3 mmHg dans les deux groupes.

Les chercheurs notent que "la [tension oculaire] est retombée aux valeurs de base dans les deux minutes après le retour à une position assise".

"Les exercices de yoga avec des positions de tête vers le bas ont été associés à une augmentation rapide de la [tension oculaire] chez l'ensemble des sujets", poursuivent-ils. Ils soulignent qu'une relation entre des fluctuations de la tension oculaire induite par des changement de posture et une perte du champ visuel chez des patients atteints de glaucome a déjà été décrite dans la littérature médicale [3]. Toutefois, les connaissances scientifiques sont aujourd'hui trop réduites pour estimer si les risques associés aux postures du yoga citées dans l'étude sont significatifs.

Source : Intraocular Pressure Rise in Subjects with and without Glaucoma during Four Common Yoga Positions. J.V. Jasien et coll. PLOS One, 23 dec. 2015. doi:10.1371/journal.pone.0144505

 


[1] Voir notamment :

  • Intraocular pressure changes and ocular biometry during Sirsasana (headstand posture) in yoga practitioners. M. Baskaran et coll. Ophthalmology, 2006
  • Yoga can be dangerous—glaucomatous visual field defect worsening due to postural yoga. D.R. Bertschinger et coll. The British journal of ophthalmology, 2007
  • Prevalence and patterns of adult yoga use in the United States: results of a national survey. R.B. Saper et coll. Alternative Therapies In Health And Medicine. 2004
  • Adverse events associated with yoga: a systematic review of published case reports and case series. H. Cramer et coll. PloS one. 2013 doi:10.1371/journal.pone.0075515.
  • Progression of glaucoma associated with the Sirsasana (headstand) yoga posture. M.J. Gallardo et coll. Advances in therapy. 2006
  • Progressive Optic Neuropathy in Congenital Glaucoma Associated with the Sirsasana Yoga Posture. D.S. Monteiro de Barros et coll. Ophthalmic Surgery, Lasers, and Imaging. 2008

[2] En sanskrit, ces postures de Hatha Yoga sont respectivement nommées adho mukha śvānāsana, uttānāsana, halāsana et viparītakaraṇī.

[3] Les auteurs renvoient à la lecture de :

  • Relationship between postural change of the intraocular pressure and visual field loss in primary open-angle glaucoma. K. Hirooka et F. Shiraga. Journal of glaucoma, 2003
  • Relationship of progression of visual field damage to postural changes in intraocular pressure in patients with normal-tension glaucoma. Kiuchi T, Motoyama Y, Oshika T.  Ophthalmology. 2006.  doi:10.1016/j.ophtha.2006.06.014 

L'œil produit en permanence un liquide qu'on appelle l'humeur aqueuse, qui nourrit l'œil, élimine ses déchets, et régule la pression intraoculaire.

En cas de glaucome, le liquide ne s'évacue pas correctement et s'accumule dans le globe oculaire, augmentant la pression de façon importante. La maladie évolue généralement sans symptômes ni douleurs, alors que la tête du nerf optique est altérée et le champ visuel se réduit. La baisse de l'acuité est irréversible.

On peut retarder l'évolution d’un glaucome dépisté précocement avec des collyres qui diminuent la quantité de liquide dans l'œil, ou en créant chirurgicalement une nouvelle voie d’évacuation de l'humeur aqueuse.