Aidants : « on réclame un statut parce que ça donne des droits ! »

En France, il y a près de 4 millions de proches « aidants » auprès de personnes âgées. Le rapport sur le grand âge, remis aujourd’hui à la ministre de la Santé, propose d’indemniser le congé proche aidant.  

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

La moitié des aidants voient leur santé se dégrader quand ils s'occupent d'un proche fragilisé. 20% d’entre eux souffrent même d’épuisement. Il est donc urgent d’aider... les aidants ! Le rapport de Dominique Libault propose plusieurs pistes pour soulager les aidants. Est-ce suffisant ? Réponse de Claudie Kulak, créatrice de la Compagnie des Aidants et présidente du Collectif Associatif « Je t’aide ».

  • Le rapport propose d’indemniser le congé de proche aidant à hauteur de 52 euros par jour. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Etes-vous satisfaite de cette proposition ?

C. Kulak : « Ce congé a été mis en place il y a 2 ans. Nous, on milite pour que ce congé soit rémunéré. Accompagner un proche fragilisé, c’est des coûts. Prenez ma sœur qui habite à Toulouse. Notre père souffrait de la maladie d’Alzheimer. Il vivait à Paris. C’est des billets d’avion, de train, des déplacements, des jours d’arrêt… Il y a bien le congé maternité, de paternité… Pourquoi n’y aurait-il pas le congé de proche aidant rémunéré?  C’est un vrai sujet aujourd’hui. Ce n’est pas une indemnisation qu’on demande. Une indemnisation, ce n’est pas suffisant. Seuls 2% des salariés aujourd’hui ont pris ce congé de proche aidant. Comment faites-vous quand vous avez de enfants pour vous passer de votre salaire ? Une société solidaire est une société qui s’intéresse aussi à ce sujet-là, qui met en place des solutions. On a des idées. Ça sera dans la concertation qu’on a menée dans le cadre de ce grand débat et on va donner nos propositions au gouvernement. On veut ce maintien de salaire. S’il y un sujet aidant, c’est pas par hasard. C’est qu’il n’y a pas assez heures d’aide à domicile financées dans les plans APA ou autres. C’est qu’il n’y a pas assez de coordination. Si c'était le cas, les aidants resteraient des aimants. Ils continueraient à avoir leur relation avec leurs parents, leurs proches en perte d’autonomie… Aujourd’hui, on se repose complètement sur les épaules des aidants, des familles… »

  • Le rapport préconise la création de maisons départementales des aînés et des aidants, sur le modèle de ce qui existe pour le handicap. Ce guichet unique va-t-il alléger la charge administrative pour les familles ?

C. Kulak : « Le problème, c’est qu’aujourd’hui on a des CCAS (centres communaux d’action sociale), des CLIC (centres locaux d’information et de coordination)… Mais, ces structures ne sont pas ouvertes au-delà d’une certaine heure. Le soir, c’est fermé. Ce n’est pas ouvert le week-end. Quand vous travaillez, comment vous faites ? Les aidants sont pour 58% des actifs. Vous êtes obligés de prendre des congés pour aller au CCAS. Ce nouveau dispositif nous va si l’amplitude horaire est allongée pour permettre à des salariés de venir. N’oublions pas que 226 km séparent en moyenne l’aidant de son proche. On est à l’heure du digital, d’internet. Il faut structurer tout ça avec un outil internet qui va permettre aux aidants de trouver toutes les informations. C’est pas notre parent de 80 ans qui cherche les informations. C’est la génération 45-55 ans qui sait se servir d’internet et qui doit pouvoir trouver en ligne toutes les informations et les gélocaliser car ce n’est pas la même chose d’un territoire à l’autre.

  • Ce rapport vous semble-t-il suffisant pour améliorer la vie des aidants?

C. Kulak : « Le statut d’aidant, c’est quelque chose qu’on réclame depuis longtemps, parce qu’un statut ça donne des droits. Et ça donnera le droit à un congé de proche aidant rémunéré. Ça donnera le droit à la retraite. Vous savez l’an dernier on a beaucoup parlé des personnes âgées qui vivent sous le seuil de pauvreté. On ne s’est pas posé la question de savoir si ces personnes âgées ont du arrêter de travailler pour s’occuper d’un proche fragilisé. Si elles ne cotisent pas pour la retraite, elles se retrouvent avec un minimum retraite. On est un pays riche. Il faut permettre aux gens de vivre dignement leur vie. Et surtout, à nos parents âgés, de finir leur vie dans les meilleures conditions à domicile, en Ehpad, là ou ils veulent et surtout là où ils peuvent. »