Le travail est-il bon pour la santé des seniors ?

Avec le recul de l'âge du départ à la retraite et les petites pensions qui obligent certains à cumuler emploi et retraite, on parle de plus en plus du travail des seniors. Une situation difficile pour certains, qui a parfois des inconvénients du point de vue de la santé ? Les explications avec le Pr Françoise Forette, médecin interniste gériatre.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
"Seniors : le travail, bon pour la santé ?", chronique du Pr Françoise Forette, médecin interniste gériatre, du 23 janvier 2019
"Seniors : le travail, bon pour la santé ?", chronique du Pr Françoise Forette, médecin interniste gériatre, du 23 janvier 2019

Le travail des seniors a fait un bond atteignant 49,8% pour la tranche des 55-64 ans. Ce taux est cependant inférieur au taux européen, 55,3% et très inférieur à certains pays comme la Suède par exemple, 75%. Les 65-69 ans, eux, sont passés de 3 à 6% contre 12% en Europe.

Le travail apporte des bénéfices certains aux seniors mais aussi des inconvénients qu'il est important de prévenir.

Inconvénients ou risques pour la santé ?

Ils dépendent du type d'emploi mais au-delà de 65 ans, ce sont en général des hommes diplômés qui se disent pour 96% en bonne santé qui continuent à travailler, ce qui minore le risque. En effet, les risques et la pénibilité ont davantage augmenté pour les ouvriers et les employés, ainsi que dans l'agriculture et la construction.

  • Les contraintes organisationnelles et les pénibilités physiques se sont globalement accrues.
  • Le sentiment de travailler dans l'urgence se développe.
  • Le contact direct avec le public/clients augmente.
  • Les exigences du marché sont désormais perceptibles à tous les niveaux de l'entreprise.
  • L'exposition à des agents biologiques est restée stable.
  • L'exposition aux produits chimiques a progressé.
     

Des situations difficiles à appréhender ?

Par ordre décroissant (selon une enquête DARES 2013) :

  • Devoir fréquemment interrompre une tâche pour en faire une autre non prévue.
  • Avoir des entretiens d'évaluation par an.
  • Contrainte physique intense.
  • Devoir atteindre des objectifs précis.
  • Ne pas bénéficier d'un soutien satisfaisant dans les situations difficiles.
  • Position debout ou piétinement plus de 20 heures par semaine.
     

Le vieillissement rend-il moins apte au travail ?

  • La force musculaire décroit de 25% entre 40 et 65 ans
  • Le besoin de lumière mais aussi l'éblouissement visuel augmentent, l'audition décroit, elle, dès 45-50 ans.
  • Les chutes liées à un trouble de l'équilibre augmentent après 45 ans.
  • La mémoire à court terme peut se dégrader à partir de 50 ans et le fait de partager son attention entre plusieurs sujets devient complexe.
     

Mais :

  • L'endurance s'améliore quand l'effort est adapté.
  • Les capacités d'apprentissage sont conservées, surtout si elles sont fréquemment entraînées.
  • Les capacités de synthèse, d'anticipation et d'organisation progressent, ce qui fait du senior, un atout dans l'entreprise.
     

Le travail est-il bénéfique aux seniors ?

Le travail est bénéfique, et comme toutes les formes d'activité, augmente l'espérance de vie en bonne santé. Toutes les études démontrent le bénéfice sur la mémoire. Reculer l'âge de la retraite diminue de 15% le risque de démence si on prend sa retraite à 65 ans au lieu de 60.

L'étude américaine HRS et l'étude européenne SHARE mettent en évidence un effet négatif significatif et quantitativement comparable de la retraite sur le fonctionnement cognitif. Le travail évite l'isolement, favorise les relations sociales et l'optimisme dont on sait le caractère bénéfique sur la santé.

Peut-on concilier santé et performance ?

Une politique globale d'amélioration des conditions de travail doit avoir pour objectif de réduire les contraintes de temps, la charge physique ou mentale pour tous les salariés. La conception et l'aménagement des postes doivent ainsi intégrer le vieillissement des salariés mais sont bénéfiques à tous les salariés.

L'organisation du travail (rythme, durée, répartition des tâches) permettra aux plus âgés de mettre à profit leur expérience. Parallèlement, il faut anticiper les besoins en compétences et promouvoir ainsi la formation à tout âge quand la plasticité cérébrale le permet. Il faut faciliter la transmission des savoirs, c'est l'intérêt de l'entreprise et l'honneur du salarié âgé.

Que faire pour favoriser l'emploi des seniors ?

Pour favoriser l'emploi des seniors, il faut :

  • lutter contre les discriminations à l'emploi et la peur des "charettes" liées à l'âge ;
  • lutter contre les inégalités liées à la CSP et à l'éducation ;
  • augmenter la flexibilité ;
  • mieux analyser le phénomène du stress et les contraintes inappropriées du système actuel de management ;
  • promouvoir les programmes de santé en entreprise ;
  • valoriser les effets bénéfiques du travail sur la santé, les fonctions cognitives et la longévité.
     

En conclusion, promouvoir le travail des seniors est non seulement favorable à ces derniers mais bénéficie à toutes les générations au travail. Toutefois, cela n'est pas le cas pour les personnes qui exercent des métiers pénibles et qui doivent pouvoir s'arrêter de travailler pour préserver leur santé.