Les polluants du diesel franchissent le placenta

Pour la première fois, des chercheurs ont réussi à montrer que les nanoparticules inhalées, présentes dans les gaz d'échappement des moteurs diesels, sont capables de franchir la barrière placentaire et de passer dans le sang du fœtus. Des effets sur la santé ont été observés, chez l’animal, sur deux générations.

Héloïse Rambert
Rédigé le , mis à jour le
Les polluants du diesel franchissent le placenta

Les alertes à la pollution aux particules fines sont fréquentes. En cause, le nombre encore très élevé de véhicules diesel dans le parc automobile européen. Ces particules fines (diamètre>100 nanomètres) et ces nanoparticules (diamètre <100 nanomètres), ne sont pas réputées pour être bonnes pour notre santé. Il est désormais établi qu’elles pénètrent profondément dans les voies respiratoires, et que plus elles sont fines, plus elles vont loin. Elles entrainent une inflammation des alvéoles respiratoires et du système cardiovasculaire. L’exposition chronique aux particules fines augmente ainsi le risque de développer des maladies cardiovasculaires et respiratoires (maladies respiratoires obstructives chroniques) ainsi que des cancers pulmonaires.

Mais ce n’est pas tout. Des études épidémiologiques avaient déjà noté qu’un taux élevé de particules fines dans l'air influait directement sur le risque de naissances de bébés de petits poids. Une équipe de scientifiques de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) a voulu aller plus loin. Elle est parvenue à montrer, sur l’animal, que les nanoparticules de diesel inhalées étaient capables de franchir la barrière placentaire et de passer dans la circulation du bébé.

L'exposition chronique de la mère aux gaz d’échappement d’un moteur diesel entraine des naissances de bébés plus petits et des troubles du métabolisme chez les fœtus de deuxième génération.

Des lapines enceintes exposées aux nanoparticules

Les chercheurs ont suivi des lapines gestantes et leur ont fait respirer des gaz d'échappement de moteur diesel filtrés (contenant des nanoparticules et les gaz toxiques qui s'y accrochent).

"Quand on travaille sur le placenta, le lapin est un modèle beaucoup plus pertinent que la souris : son placenta est plus proche de celui des femmes", explique Pascale Chavatte-Palmer, coordinatrice du projet à l'INRA de Jouy-en-Josas. Les chercheurs ont veillé à n’exposer que les voies respiratoires des lapines pour être au plus près de nos propres conditions d’exposition à la pollution. "Nous avons mis au point une technique d’inhalation par le nez exclusivement. Parce que les particules se déposent bien sûr dans les voies aériennes, mais aussi sur les poils. Et les animaux absorbent aussi beaucoup de nanoparticules en se léchant", précise la scientifique. Les animaux ont respiré les gaz d’échappement à des niveaux proches de l'exposition journalière de la population lors d'un pic de pollution aux particules fines dans les grandes villes européennes.

Les nanoparticules passent la barrière placentaire

Les scientifiques ont constaté que les nanoparticules s'infiltrent partout.

"Nous en avons retrouvées bien sûr dans le poumon des lapines, mais aussi dans leurs globules rouges et dans leur placenta. Les particules se collent sur les microvillosités placentaires et elles s’accumulent. Elles traversent et passent dans le sang fœtal", rapporte Pascale Chavatte Palmer.

Un fœtus moins bien nourri et plus petit

A la moitié de la gestation, des signes de retard de croissance fœtale ont été observés. A terme, la longueur de la tête des bébés était légèrement réduite.

"Les petits lapins sont nés avec une réduction de l’ordre de 4% de la taille de la tête. Ils avaient aussi tendance à avoir un tour de taille plus réduit. Ce qui correspond tout à fait à ce qui est constaté chez l’homme", poursuit la chercheuse. Les échographies ont montré une forte diminution de l'apport sanguin au placenta, réduisant l’apport de nutriments au fœtus et expliquant ces problèmes de croissance.

Des troubles du métabolisme sur les fœtus à la deuxième génération

Il est connu que chez l’homme, les enfants de petit poids présentent plus de risques de présenter des troubles métaboliques. Les chercheurs s’intéressent donc aussi à cet aspect.

"Nous travaillons encore à conforter nos résultats sur les effets métaboliques des gaz d’échappement diesel", détaille Pascale Chavatte Palmer. Des effets délétères de ce type ont déjà été observés par l'équipe de l’INRA chez les "petits-enfants" des ces lapines "polluées". A l'âge adulte, les lapines nées de mères exposées ont été accouplées avec des mâles n'ayant pas été exposés à cette pollution. "Aucune anomalie de croissance n’a été constatée chez les fœtus mais nous avons noté des anomalies dans les échanges des acides gras entre la mère et le fœtus". L'équipe de chercheurs travaille aussi actuellement sur les effets cardiovasculaires du diesel.