Îles du Pacifique : l'obésité fait des ravages

Dans le Pacifique, la vie est moins paradisiaque qu'on l'imagine. Là-bas de nombreuses personnes sont amputées, non pas à cause des crocodiles, mais du diabète. Un diabète dont la plupart des personnes amputées ignoraient tout lorsqu'elles ont perdu leur membre. Les explications avec Géraldine Zamansky, journaliste du Magazine de la santé.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Un petit film a été réalisé par une ONG dont les fondateurs, des Californiens, sont tombés amoureux des îles du Pacifique et de leurs habitants. Mais là-bas, ils ont découvert un nombre incroyable de personnes amputées à cause du diabète. Un diabète qui abîme les vaisseaux et les nerfs. Les plaies ne parviennent pas à cicatriser et le seul moyen d'éviter une propagation de la gangrène reste l'amputation.

Informer les populations locales sur le diabète

Cette ONG californienne, appelée Own2feet (traduction : sur ses deux pieds), a donc décidé de lutter contre ce fléau. Concrètement, les équipes d'Own2feet partent en bateau dans les villages isolés pour informer sur le diabète. Ils font du dépistage avec des appareils qui mesurent le taux de sucre dans le sang. En cas d'anomalie légère, ils donnent surtout des conseils alimentaires et si le diabète est plus grave, ils distribuent en plus des traitements. Ils aident aussi les personnes amputées en leur apportant des prothèses.

Avec une amputation toutes les douze heures dans les îles Fidji, soit plus de 700 par an depuis déjà des années, le défi est immense. Et ce défi concerne toutes les îles du Pacifique. Les taux d'obésité et de surpoids, directement associés à ce diabète, y battent de terribles records. Parmi les dix pays du monde les plus touchés par le diabète, six se trouvent dans le Pacifique. Aux îles Samoa par exemple, près de 50% des 25-64 ans sont diabétiques et trois sur quatre sont obèses.

Junk food et sédentarité responsables de l'obésité dans le Pacifique

Le diabète et l'obésité sont des maladies plutôt associées à des vies citadines et des emplois de bureau. Mais les habitants de ces îles ont été touchés à cause d'une épidémie mondiale qui ne les a pas épargnés, l'épidémie de junk food, et la sédentarité puisqu'il y a aussi des villes dans les îles Fidji et leurs voisines. L'équation : aliments très gras + manque d'exercice = diabète n'épargne personne. Pas même la famille royale des îles Tonga. Le roi Taufa’ahau Tupou IV a ainsi été le plus gros du monde puisqu'il pesait 209 kg en 1976.

Dans ces pays être gros, c'est être beau. C'est aussi un signe de réussite sociale puisqu'à l'origine il fallait être riche pour réussir à manger davantage et élargir sa silhouette. Mais le roi s'est tout de même inquiété de son envergure quand il a eu du mal à marcher par exemple. Alerté sur les risques pour sa santé et celle de ses sujets, touchés par le même fléau, il s'est lancé dans un programme de remise en forme. Il a voulu montrer l'exemple et a réussi à perdre 79 kg. En 1997, il ne pesait plus que 130 kg.

Mais cela n'a pas suffi à protéger son propre neveu, le prince Viliami Tupoulahi Mailefihi Tuipelehake. Alors que ce prince fut capitaine de l'équipe de rugby du Tonga dans sa jeunesse, il a été dramatiquement touché par le diabète. Le prince a dû être amputé d'une jambe, puis de l'autre peu après ses 50 ans. Il est décédé à 56 ans à cause de son diabète en 2012.

L'obésité dans les gènes ?

L'obésité qui touche le Pacifique aurait-elle alors un rapport avec les gènes ? Telle fut l'hypothèse formulée en 1962 par James Neel, un généticien américain. Les ancêtres des habitants de ces îles ont souffert de longues périodes de pénurie. Pour y survivre, il fallait être capable de faire des "réserves", c'est-à-dire des stocks de graisse. Donc ceux dont les gènes étaient capables de constituer le maximum de stocks ont été sélectionnés.

Cette théorie est accréditée par certaines statistiques. Par exemple dans les îles Fidji, dès qu'il y a plus de métissage avec des indiens par exemple, l'obésité et le diabète diminuent. Mais pour l'instant, il est impossible d'identifier les gènes coupables des taux record des natifs "du Pacifique" quand ils sont confrontés à "nos" conditions de vie.

Exercice et bonne alimentation pour lutter contre l'obésité

Toutefois, il est urgent de ne pas attendre et d'agir sur ces conditions de vie, l'alimentation trop grasse et le manque d'exercice. Mais cela est très difficile. Car toute l'économie alimentaire a été complètement transformée par l'importation massive de produits très gras à des prix très faibles. Il est donc désormais plus économique d'acheter des conserves de viandes que des aliments locaux. De plus, la nourriture reste un symbole très important, une valeur qui se mesure par la quantité et pas par la qualité. En Nouvelle-Zélande également touchée par l'obésité, un spot a été créé pour essayer de faire changer les choses.

Une des difficultés, c'est de rendre accessible une bonne alimentation. Alors la FAO, l'organisation pour l'alimentation des Nations Unies soutient par exemple le développement de l'activité des maraîchers. Il faut des fruits et légumes frais pas chers sur les marchés. Sans oublier, bien sûr, les activités physiques. Plusieurs îles proposent des cours de danses traditionnelles pour adoucir l'image du sport.