Agir sur la flore intestinale pour combattre la malnutrition

Les bactéries qui peuplent notre intestin exercent des fonctions cruciales en finalisant la dégradation des aliments, les rendant utilisables par notre organisme. Améliorer le microbiote des enfants souffrant de malnutrition pourrait permettre d'optimiser le processus d'assimilation des nutriments, et ainsi de participer à l'amélioration globale de leur état de santé, suggèrent deux études publiées ce 19 février dans la revue Science.

Florian Gouthière
Rédigé le , mis à jour le
Agir sur la flore intestinale pour combattre la malnutrition

Des nombreuses populations de bactéries colonisent l'intestin humain dès la naissance, se multipliant rapidement pour bientôt se compter en centaines de milliards. Leur présence est indispensable au bon fonctionnement de notre organisme, puisqu'elles finalisent la dégradation des aliments que nous ingérons. Notre organisme fonctionne en quelque sorte avec les résidus de l'activité de ces microbes !

Lorsque notre microbiome intestinal est déséquilibré, nous métabolisons beaucoup moins bien les aliments. Certains hôpitaux réalisent aujourd'hui des "greffes fécales" sur des patients, consistant à faire parvenir dans leur intestin les selles de patients sains, contenant des nombreux représentants vivants de populations bactériennes utiles, prêts à repeupler le milieu.

Les résultats de plusieurs séries d’expériences sur la souris, détaillées mi-février 2016 dans la revue Science, suggèrent que cette approche thérapeutique pourrait aider à lutter contre la malnutrition.

Les premiers travaux portent sur des échantillons de selles collectées au Malawi auprès de nourrissons, dont une partie souffrait de malnutrition. Ils ont été utilisés pour réaliser des greffes fécales sur des souriceaux de laboratoire dont l'intestin était vierge de bactéries. Les animaux étaient ensuite nourris à partir d'aliments couramment donnés aux enfants du Malawi.

Les chercheurs ont constaté que les souriceaux greffés avec des selles d'enfants bien nourris grandissaient mieux (meilleure prise de poids, masse non-graisseuse plus importante) que ceux greffés avec des selles d’enfants dénutris. Selon les données publiées, une greffe ultérieure de selles de la première espèce sur les souris du deuxième groupe aurait permis de rétablir rapidement une croissance normale. Si ces résultats venaient à être confirmés chez l'homme [1], ils permettraient d'envisager des traitements relativement peu coûteux pour limiter les symptômes de la malnutrition [2].

Les seconds travaux, menés par une équipe franco-tchèque, portent sur l'effet d'une souche bactérienne, Lactobacillus plantarum, sur la croissance de souriceaux. La présence de cette seule souche bactérienne influence la production d'une hormone de croissance (IGF-1), par des mécanismes encore à élucider, même chez des souris malnutries. Ces travaux suggèrent qu'une supplémentation avec des souches bactériennes spécifiques pourrait limiter, chez l'homme, certains effets de la malnutrition.


[1] Certains chercheurs mettent en garde contre une généralisation trop hâtive des conclusions des études menées sur ce modèle animal très particulier, les procédures garantissant que les souriceaux ne possèdent pas de microbiome pouvant influencer sur les résultats finaux.

[2] D'autres pistes sont explorées par cette équipe de chercheurs. Dans une étude publiée le même jour dans la revue Cell, ils soulignent que certaines substances utiles à la croissance sont absentes du lait de certaines femmes du Malawi (en l’occurrence des oligosaccharides sialylés). Des expériences sur des souris et des porcelets greffés avec le microbiote d’enfants du Malawi montrent qu’un régime traditionnel simplement enrichi en oligosaccharides sialylés améliorerait également la croissance des animaux, suggérant des bénéfices d’une telles supplémentation auprès des enfants concernés.