Prostitution : pénalisation des clients, quel bilan un an après ?

Il y a un an, les députés votaient la pénalisation des clients des prostitués. Précarisation, augmentation de l’insécurité, hausse des infections sexuellement transmissibles... Plusieurs associations dénoncent les conséquences négatives pour les travailleurs du sexe. Les explications de Marc Dixneuf, le directeur général de l'associations AIDES.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec Marc Dixneuf, directeur général délégué de l'association AIDES
Entretien avec Marc Dixneuf, directeur général délégué de l'association AIDES
  • Quelles sont les conséquences de cette loi pour les prostitués ?

M. Dixneuf : "Les hommes, les femmes ou les « trans » qui sont des travailleurs du sexe ont toujours été les premiers promoteurs de la prévention. Mais pour cela, il faut un peu de temps. Il ne faut pas que le client se sente en position de force. Et très concrètement, la loi sur la pénalisation ne laisse pas le temps de discuter du préservatif ou de prévention avec le client. Cela met les personnes qui se prostituent en situation d’insécurité car le client peut dire : non, on fait ça vite, on n’utilisera pas de préservatif et je veux discuter du prix."

  • La pénalisation des clients a-t-elle une influence sur l’augmentation des infections par le VIH ?

M. Dixneuf : "On a des données qui viennent d’autres pays qui ont été publiées dans la revue médicale The Lancet il y a quelques semaines. Pour une fois, on a des données de la science qui montrent qu’il y a une corrélation entre pénalisation ou pas et incidence ou prévalence des infections par le VIH pour les personnes qui se prostituent."

  • Depuis un an, est-ce plus compliqué pour vous de faire de la prévention ?

M. Dixneuf : "Oui, évidemment. On avait déjà vu ça lors de la loi sur le racolage passif à l’époque de Nicolas Sarkozy. Depuis, cette loi a été abrogée  et remplacée par une loi qui pénalise le client et qui a les mêmes effets. Il faut aller plus loin pour trouver les personnes.

"En général, les travailleurs du sexe s’isolent, se cachent… On n’a plus de lieu pour les trouver. C’est vrai pour toutes les associations qui travaillent auprès des personnes qui se prostituent. Le travail est devenu plus compliqué, plus long, plus chronophage. Et les prostitués expriment des craintes avec des cas d’agressions récurrentes."   

  • Faut-il revenir sur cette loi ? 

M. Dixneuf : "Cette loi a la prétention d’améliorer les conditions de vie des travailleurs du sexe et de les accompagner vers la sortie de la prostitution, mais les moyens ne sont pas là. Il faut donc l'abolir. Effectivement, il faut lutter contre le trafic d’êtres humains. Mais pour ça, il faut des moyens véritables.

"Ce n’est pas en tapant sur les personnes qui se prostituent qu’on va améliorer leurs conditions de vie. Il faut donc un statut pour les travailleurs du sexe. On constate que, dans des pays comme l'Allemagne ou la Nouvelle-Zélande où ce statut est reconnu, on a des résultats très intéressants en termes de santé publique. Aujourd’hui, la loi sur la pénalisation des clients est une loi morale qui n’a aucun fondement scientifique."