Ebola : comment tout a commencé

Le virus Ebola a déjà provoqué la mort de plus de 1.500 personnes. Un bilan dramatique qui inquiète de plus en plus les Nations unies. La présidente de Médecins sans frontières (MSF) ayant même déclaré ce mardi 2 septembre 2014 que le monde était en train de "perdre la bataille face à l'épidémie d'Ebola". Quand et comment l'épidémie a-t-elle démarré ? Pourra-t-on contenir le virus ? Explications.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image : ©MSF_SCherkaoui - Vidéo : Chronique de Magali Cotard, du 3 septembre 2014
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L'épidémie d'Ebola n'a pas démarré cet été, elle a commencé il y a plus de neuf mois, en décembre 2013, dans un petit village de Guinée (Afrique de l'Ouest). C'est dans le petit village de Meliandou que des experts ont réussi à identifier le "patient zéro", c'est-à-dire la première victime du virus. Il s'agit d'un petit garçon de 2 ans qui a probablement mangé des fruits contaminés par des déjections de chauve-souris. Il est mort le 6 décembre 2014.

Des malades qui contaminent les soignants

Après lui, entre le 13 décembre 2013 et le 2 février 2014, sa mère, sa grand-mère, sa sœur de 3 ans, mais aussi l'infirmière qui s'est occupée d'eux vont décéder. Et le virus va alors commencer à circuler, puisque cette infirmière a été soignée à une quinzaine de kilomètres de Meliandou, à Gueckedou, où elle a contaminé son soignant, qui sera transféré à 90 km de là, à Macenta... À Macenta, le médecin de ce soignant sera à son tour contaminé, ainsi que ses proches…

Le 10 mars 2014, les deux hôpitaux de Gueckedou et Macenta alertent les autorités de santé qui informent l'Organisation Mondiale de la Santé. Mais il s'est déjà écoulé plus de trois mois pendant lesquels le virus a eu le temps de se répandre. 59 personnes sont décédées, et plus de 500 personnes ont été au contact de personnes infectées. Il est très difficile de les retrouver pour les mettre en quarantaine.

Ebola, un virus très contagieux

Il peut paraître étonnant que des personnes atteintes du virus soient transportées dans des hôpitaux sans précaution et contaminent d'autres soignants. Mais à ce moment là, personne ne reconnaît le virus Ebola, puisque les soignants ne l'ont jamais croisé. Il y a déjà eu plusieurs épidémies sur le sol africain depuis 1976, mais seulement en Afrique centrale : en République démocratique du Congo, l'ex Zaïre, au Gabon, au Soudan du Sud, en Ouganda... Jamais en Afrique de l'Ouest. Et les symptômes peuvent faire penser au paludisme ou à la gastro-entérite.

C'est la raison pour laquelle il a fallu autant de temps pour comprendre qu'il s'agissait du virus Ebola. En mars, quand les autorités sont alertées, cette fois les équipes médicales se protègent, et l'épidémie recule à tel point qu'on pense que c'est gagné. Le 15 avril, plusieurs journaux annoncent que "L'épidémie est sous contrôle en Guinée". On assiste à un relâchement sur le terrain. Et le pire ennemi dans la lutte contre le virus, c'est la population elle-même. Les croyances sont très fortes, les gens pensent que le virus n'existe pas, ils parlent d'un complot occidental pour leur faire peur… Malgré les messages de prévention, les corps des morts sont toujours lavés par les proches et exposés, alors que c'est à ce moment qu'ils sont les plus contagieux. Sur les vivants, le virus se transmet par contact direct avec la salive, le sang, les selles, ou le sperme. Au moment du décès, le corps tout entier se retrouve couvert du virus.

Le recours aux guérisseurs

Il y a aussi une grande méfiance à l'égard des médecins. On préfère faire appel aux guérisseurs... Et cela va d'ailleurs coûter très cher aux habitants de la Sierra Leone. Le point de départ de l'épidémie en Guinée se trouvait tout proche de la frontière, à quelques kilomètres seulement de deux pays. Fin mars, le Liberia était déjà touché, mais jusqu'en mai, la Sierra Leone n'avait aucun cas d'Ebola. Jusqu'à ce qu'une guérisseuse ait la bonne idée d'affirmer qu'elle pouvait guérir la maladie. Des dizaines de patients ont traversé la frontière pour la voir. La guérisseuse en est morte, et a fait entrer le virus dans son pays.

Après avoir cru au recul de l'épidémie en avril, le 21 juin 2014, l'OMS annonce une deuxième vague de contaminations, qui concerne alors trois pays. Tout va alors s'accélérer. Entre décembre et fin juin, c'est-à-dire en six mois, le virus avait tué 350 personnes. Dans les deux mois qui vont suivre, en juillet et août, plus de 1.200 personnes supplémentaires vont mourir (trois fois plus de morts en trois fois moins de temps), avec des pics à 50, 60 morts par jour. Fin juillet, un quatrième pays est touché : le Nigeria. Médecins sans frontières estime que l'épidémie est hors de contrôle.

Les soignants payent le prix fort. 10% des personnes tuées par le virus sont des soignants. Et de grandes figures de la lutte anti-Ebola y laissent leur vie, comme le responsable du centre anti-Ebola de Sierra Leone, Omar Khan et un ponte de l'hôpital de Freetown (Kle SL). Des médecins étrangers sont aussi touchés.

Un médecin et une infirmière américaine, Kent Brantly et Nancy Writebol, ont également été rapatriés aux Etats-Unis début août 2014. Le pays tout entier va suivre leur arrivée en direct à la télévision, avec des images aériennes, dignes d'un film catastrophe. Ils seront d'ailleurs les premiers à recevoir un traitement expérimental, le Zmapp dont on entend parler pour la première fois le 7 août 2014. Et la happy end à l'américaine aura lieu, puisqu'ils vont guérir. Le père Miguel Pajares, un prêtre espagnol contaminé et rapatrié dans son pays, lui aussi traité au Zmapp, décèdera en revanche le 12 août.

Du déni à la psychose

Depuis début août, la population comprend enfin la gravité du virus. On passe alors du déni à la psychose. Les équipes de MSF et de la Croix-Rouge racontent la peur des populations, comme en temps de guerre. Les personnes qui se pensent infectées se cachent. On assiste à des scènes d'une cruauté hallucinante. Le 13 août, des reporters de l'AFP ont raconté l'agonie d'une jeune fille de 12 ans, dans un village du Liberia.

Quand sa famille a été contaminée, les habitants du village ont paniqué, posé des barricades. Le père était déjà mort quand les autorités sont arrivées. Elles ont choisi de boucher les portes et les fenêtres de la maison, laissant Fatu et sa mère, malades, et emmurées vivantes, sans eau ni nourriture, abandonnées à leur sort où elles sont mortes. Personne n'a répondu à leurs appels désespérés. La peur de la contamination dépasse tout…

Le virus peut-il être contenu ?

Les experts ne sont pas vraiment optimistes. Un cinquième pays a été touché : le Sénégal, et une autre épidémie totalement indépendante est apparue, en République démocratique du Congo, qui a déjà fait 31 morts. Heureusement, les soignants ont rapidement reconnu le virus puisque c'est la septième épidémie depuis 1976. Elle devrait donc être rapidement contenue.

Selon l'OMS, il faudra au minimum six à neuf mois pour arrêter l'épidémie en Afrique de l'Ouest. D'ici là, toujours selon l'OMS, 20.000 personnes seront probablement touchées ! Sachant que le taux de décès avoisine les 60%, cela fait 12.000 morts, quasiment dix fois plus qu'aujourd'hui. Une bonne nouvelle tout de même, les premiers essais réalisés sur le traitement expérimental, le fameux Zmapp, sont très encourageants.

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