Quand la bactérie intestinale a bien mangé, elle le fait savoir...

En nous alimentant, nous nourrissons nos bactéries. Des travaux français publiés dans la revue Cell Metabolism montrent que lorsque les petites chéries n'ont plus faim, certaines produisent des protéines proches de nos hormones de la satiété, pour bien faire savoir qu'elles sont repues. L'influence de ces signaux bactériens semble relativement limitée. Mais, de façon surprenante, l'organisme humain met environ 20 minutes pour commencer à siffler la fin du repas... ce qui correspond parfaitement au "timing" de la division d'une bactérie !

La rédaction d'Allo Docteurs
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La bactérie E. coli est la plus commune de nos bactéries intestinales.
La bactérie E. coli est la plus commune de nos bactéries intestinales.

Quand nous mangeons, nous nourrissons nos bactéries intestinales, qui en profitent pour se diviser. "L'idée est venue d'étudier si la croissance bactérienne influe sur l'appétit", nous explique le Pr Sergueï Fetissov, chercheur à l'Inserm. "Puisque l'on nourrit les bactéries, peut-être peuvent-elles communiquer à leur hôte des informations sur leur propre satiété !"

Il y a un an, le chercheur et ses collaborateurs avaient révélé dans la revue Translational Psychiatry que la bactérie intestinale la plus commune de notre intestin (la célèbre Escherichia coli) produit une protéine, la ClpB, dont le profil moléculaire s'avère extrêmement semblable à l'alpha-MSH (une hormone de la satiété synthétisée dans le cerveau). Les chercheurs avaient par suite montré que des taux élevés de ClpB bactérien dans le sang étaient associés, chez l'homme, à des troubles de l'alimentation.

L'équipe de Sergueï Fetissov a cette fois-ci mis en évidence, chez la souris, que cette ClpB est produite massivement au terme de la division cellulaire d'Escherichia coli, dans des populations suffisamment importantes.

"La division bactérienne dure très précisément vingt minutes", nous détaille le Pr Fetissov. "Lorsque nous observons de grandes populations bactériennes, par exemple un milliard de bactéries, nous voyons qu'au bout de vingt minutes, lorsque leur nombre a doublé, elles sécrètent ClpB."

Escherichia coli essaie-t-elle de communiquer avec notre cerveau ? Un flot de ClpB pour dire « tu peux arrêter d'activer la bouche, nous, on a fini notre boulot » ?

Les travaux des chercheurs montrent, en outre, que les bactéries qui n'ont pas encore été nourries produisent des protéines qui stimulent la synthèse de GLP-1, hormone qui favorise la sécrétion d'insuline… « Hé, le cerveau, c'est pas tout ça, mais il faut qu'on se divise ! »

Difficile de savoir dans quelle mesure les quantités de protéines bactériennes qui parviennent à entrer dans la circulation sanguine contribuent, avec toutes les autres hormones produites par l'organisme, à la sensation de faim ou à celle de satiété. "Chez des souris dépourvues d'E. coli, la satiété survient dans le même temps, ce qui montre en tout cas que le mécanisme est loin d'être central", insistent les chercheurs.

Sergueï Fetissov observe qu'au cours d'un repas, le sentiment de satiété met une vingtaine de minutes à apparaître. Coïncidence, ou indice d'une synchronisation de la sécrétion des hormones humaines avec les exigences bactériennes ? De nouvelles expériences pourraient permettre d'élucider cette question… Affaire à suivre !
 

Source : Gut Commensal E.coli Proteins Activate Host Satiety Pathways Following Nutrient- Induced Bacterial Growth. J . Breton, S.Fetissov et coll. Cell Metabolism, 24 novembre 2015. doi:10.1016/j.cmet.2015.10.017