Le premier "bébé-docteur" français a 5 ans !

Joyeux anniversaire Umut-Talha ! Il y a cinq ans naissait à l'hôpital Antoine Béclère, à Clamart, le premier bébé français, conçu dans l'espoir de soigner sa sœur atteinte de bêta-thalassémie. Les cellules souches présentes dans son cordon ombilical avaient été greffées à la fillette dans les semaines suivantes, entraînant la guérison de celle-ci.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Le premier "bébé-docteur" français a 5 ans !

En France, on estime qu'entre 400 et 500 personnes sont atteintes de thalassémie. Cette maladie génétique se traduit par un défaut de production de l'hémoglobine, une protéine contenue dans les globules rouges qui assure le transport de l'oxygène. Elle est constituée de quatre chaînes protéiques : deux chaînes alpha et deux chaînes bêta. Selon que l'une ou l'autre est anormale, les médecins parlent de d'alpha-thalassémie ou de bêta-thalassémie. Dans les deux cas, l'anomalie entraîne une anémie qui se traduit par une pâleur, une grande fatigabilité, parfois des vertiges et des essoufflements. La bêta-thalassémie est la forme la plus courante, elle est également la forme la plus grave.

A la fin des années 2000, des médecins français évoquent aux parents de la petite Asya, atteinte de bêta-thalassémie, une solution thérapeutique autorisée par les lois de bioéthique [1] : s'ils mettaient au monde un enfant non-porteur de la maladie génétique, on pourrait prélever dans le cordon ombilical des cellules souches, qui pourraient être greffées à la fillette. Ces cellules deviendraient productrices de cellules sanguines saines, faisant disparaître ses symptômes.

Après une fécondation in vitro, un double diagnostic génétique pré-implantatoire a permis de sélectionner les embryons exempts de bêta-thalassémie. A noter, la loi française interdit d'exclure les embryons sains incompatibles avec l'enfant receveur (antigènes HLA, à la surface des cellules, différents de ceux du receveur).

La fécondation in vitro aboutit à la croissance d'un fœtus théoriquement compatible avec Asya. Le 26 janvier 2011, le petit Umut-Talha (en turc "notre espoir") voit le jour. Les cellules souches sont prélevées dans son cordon, pour mise en culture. L'annonce de cette naissance est réalisée par les professeurs René Frydman et Arnold Munnich le 7 février 2011 [2]. La greffe aura lieu quelques semaines après.

"Bébé-docteur", "bébé-médicament"…

"Bébé-docteur", "bébé-médicament"… les surnoms fusent dans la presse, pour désigner ce bébé français. Cette procréation à visée thérapeutique n'était pas une première mondiale : les Etats-Unis avaient ouvert la voie en 2000 [3], suivies par la Belgique en 2005 et l'Espagne en 2008 [4].

L'annonce de la naissance d’Umut-Talha est survenue dans un contexte très particulier, puisque le 8 février débutait les débats parlementaires sur la révision des lois de bioéthique. Des chercheurs comme le professeur François Olivennes, spécialiste des troubles de la fertilité, a de son côté jugé la loi "déjà rétrograde", dénonçant "les lobbys chrétiens et catholiques qui tentent d'imposer leurs vues sur l'embryon". Des personnalités politiques comme Christine Boutin dénoncent de leur côté une "instrumentalisation de la personne", jugeant qu'avec cette naissance, "l'homme devient un objet de consommation et un matériau".

Cinq ans plus tard, la sœur d'Umut-Talha, de même que son petit frère, vont très bien, comme en témoigne un touchant reportage de France Info diffusé ce 26 janvier. La greffe de cellules souches lui a permis d’éviter les transfusions mensuelles autrefois indispensables à sa survie. Les deux enfants se chamaillent comme tous les enfants, la grande sœur ambitionne de devenir un jour "championne de lutte" !

 


[1] La loi française de bioéthique de 2004 et ses décrets d'application, parus en décembre 2006, autorisent cette pratique après accord de l'Agence de la Biomédecine.

[2] Cette première française est le fruit de la collaboration des équipes médicales et biologiques de l'hôpital Necker (Pr Arnold Munnich et Dr Julie Stephann, Dr Nadine Gigarel, Dr Philippe Burlet, Dr Jean-Paul Bonnefond, Pr Michel Vekemans) et de l'hôpital Antoine Béclère (Dr Nelly Achour-Frydman, Dr Laetitia Hesters, Dr Frédric Lamazou, Mme Violaine Kerbrat et Pr Renato Fanchin).

[3] Aux Etats-Unis, Molly Nash, fillette de 6 ans, qui souffrait d'une maladie génétique, l'anémie de Fanconi affectant le système immunitaire, avait été sauvée grâce aux cellules extraites du cordon ombilical de son frère, Adam, dont l'embryon avait été sélectionné dans le but de réaliser cette greffe.

[4] Né en octobre 2008, le premier bébé-médicament espagnol, prénommé Javier, a permis grâce à son sang de cordon ombilical de guérir son aîné Andrés, souffrant également d'une bêta-thalassémie majeure.