Sevrage tabagique : inégaux face à la nicotine

La persistance de la nicotine dans l'organisme des fumeurs, variable d'un individu à l'autre, influencerait l'efficacité de certains traitements, selon une étude publiée le 11 janvier dans The Lancet Respiratory Medicine.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Tous les individus ne métabolisent pas la nicotine de la même manière, ni à la même vitesse. Afin de déterminer si l'efficacité du sevrage nicotinique était corrélée à cette vitesse de métabolisation, des chercheurs nord-américains ont suivi plusieurs années durant 1.246 volontaires, en suivant un protocole particulièrement rigoureux.

Dans un premier temps, les biologistes ont mesuré les taux d'un produit de la dégradation de la nicotine chez chaque participant, identifiant 662 individus "métaboliseurs lents" et 584 "métaboliseurs normaux". Cette donnée a été tenue secrète aux volontaires, ainsi qu'aux médecins chargés de conduire la suite de l'étude.

Les patients se sont ensuite vu prescrire soit deux faux traitements (pilules placebos et patchs placebos, sur 11 semaines), soit un vrai traitement et un traitement placebo (vrai pilule de varénicline et faux patch, ou inversement). Tous bénéficiaient en outre d'un suivi motivationnel. De fait, rien ne permettait de distinguer les patients les uns des autres, excepté les dossiers conservés par l'équipe de coordination (ce type d'étude, dite "en double-aveugle", permet de distinguer les effets propres d'une thérapie des effets psychologiques liés au seul fait d'être pris en charge).

L'efficacité du traitement sur l'arrêt du tabac était évaluée un an après la date d'arrêt définitif de la cigarette.

A l'issue de l'expérience, les chercheurs ont observé que le traitement à base de varénicline était nettement plus efficace(1) que les patchs chez les métaboliseurs normaux.

En revanche, les données recueillies n'ont pas permis d'identifier cette supériorité chez les métaboliseurs lents. Chez ces derniers, les effets secondaires de la varénicline sont cependant apparus plus prononcés.

"Nos données suggèrent que traiter les métaboliseurs normaux avec de la varénicline et les métaboliseurs lents avec des patchs de nicotine permettrait d'optimiser le taux d'arrêt du tabac en diminuant les effets secondaires", résume le Dr Rachel Tyndale, co-auteur de l'étude, en marge de la publication des résultats dans the Lancet Respiratory Medicine.

Si ces données venaient à être confirmées par des études ultérieures, la découverte pourrait améliorer de façon substantielle l'accompagnement du sevrage tabagique. Un obstacle à ce développement pourrait toutefois résider dans le coût, relativement élévé, de la procédure permettant de déterminer individuellement la vitesse de métabolisation de la nicotine (qui nécessite plusieurs mesures successives).

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(1) Probabilité d'arrêter de fumer, et probabilité de n'avoir pas repris la cigarette six mois après l'arrêt. Cette efficacité globale estimée de 38% à 242% supérieure à celle des patchs (la valeur correcte ayant statistiquement 19 chances sur 20 de se trouver dans cet intervalle).

Source : Use of the nicotine metabolite ratio as a genetically informed biomarker of response to nicotine patch or varenicline for smoking cessation: a randomised, double-blind placebo-controlled trial. C. Lerman et coll. Lancet Respiratory Disease doi:10.1016/S2213-2600(14)70294-2