Vrai ou Faux : L’Institut Pasteur a-t-il confirmé l'efficacité de l'ivermectine ?

De nombreux internautes se sont appuyés sur une récente étude de l'Institut Pasteur pour affirmer que l'ivermectine était efficace contre le covid. Pourtant, cette étude seule ne suffit pas à le prouver. Les explications du Pr François Lemoine, immunologiste à l'AP-HP.

Lucile Boutillier
Rédigé le , mis à jour le
Vrai ou Faux : L’Institut Pasteur a-t-il confirmé l'efficacité de l'ivermectine ?

Traitement contre le Covid ou chimère ? L’ivermectine a fait l’objet d’une nouvelle étude, publiée dans la revue EMBO Molecular Medicine le 12 juillet par l’Institut Pasteur. Selon les résultats de ces travaux, ce traitement antiparasitaire a atténué les symptômes du Covid chez des hamsters malades. 

Après la publication de cette étude, de nombreux partisans de longue date de la molécule ont considéré que c'était une preuve de son efficacité. Mais cette étude seule ne suffit pas à démontrer que l'ivermectine soigne le Covid.

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Poursuite de la contamination

La méthode a été la suivante : les scientifiques ont administré de l’ivermectine à des hamsters contaminés par le virus et ont ensuite observé les rongeurs pendant quatre jours. Résultat : 66, 7% des hamsters non-traités avaient perdu l’odorat, quand seuls 22,2% des hamsters traités présentaient des signes de dysfonctionnement olfactif.

Les chercheurs ont également pratiqué des tests PCR pour détecter la quantité de virus chez les hamsters. Leurs résultats montrent que la charge virale reste la même avec ou sans le médicament.

En outre, ils ont observé que l’ivermectine n’empêchait pas le virus de continuer à se multiplier. « L’institut Pasteur apporte une preuve de la diminution de l’inflammation et de l’anosmie, mais pas de la réplication, donc la personne infectée continue à transmettre le virus », précise le Pr François Lemoine, immunologiste à l’AP-HP. « C’est normal, l’ivermectine n’est pas un antiviral. »

Des premiers résultats à confirmer

En outre, la méthodologie utilisée dans cette étude pose question. En effet, les chercheurs de l’institut Pasteur ont injecté le virus et l’ivermectine presque en même temps chez les hamsters. Or, ce n’est pas ce qui se passe dans la réalité : le traitement par ivermectine est prévu pour arriver bien après l'infection. « Et le meilleur traitement préventif, c'est le vaccin », glisse l'immunologiste.

« Il faut simplement être prudent sur l’interprétation de cette étude », conclut-il. « Souvenons-nous de l'hydroxychroloquine …. Il faut compléter ce travail expérimental par d’autres travaux expérimentaux », ajoute le professeur.

Effets indésirables 

Pour le Pr François Lemoine, il est trop tôt pour organiser un essai clinique sur des malades du Covid. Cela pose un problème éthique : l’ivermectine peut entraîner des effets secondaires graves, notamment des dysfonctionnements hépatiques.

D’après l'immunologiste, « Proposer une nouvelle molécule, quand elle a une toxicité, n’a de sens que si on prouve qu'elle apporte quelque chose par rapport aux traitements déjà existants. »

Pour lui, il faut donc effectuer d’autres expériences afin de comparer l’efficacité de l’ivermectine et celle des corticoïdes, le traitement utilisé actuellement pour traiter l’inflammation chez les patients infectés. 

« Une fois qu’on aura ces conclusions, on pourra proposer de soumettre un essai clinique chez l’homme. On prendra un groupe de patients contaminés à qui on proposera la molécule pour en observer les effets », décrit le professeur.

Pas transposable chez les humains

Le Pr Lemoine explique également qu’il existe un grand nombre de cas où les molécules ont des effets différents entre les essais in vitro et in vivo, et entre différentes espèces. Or, l'expérience de l'institut Pasteur a porté sur des hamsters ...

« Pour proposer un traitement à des humains, il faut faire des essais cliniques avec des humains, en utilisant des comparatifs », explique-t-il. Une méthode qui a été utilisée pour élaborer les vaccins contre le Covid.