Alzheimer : des médicaments inutiles ?

Les médicaments utilisés chez les malades d'Alzheimer suscitent beaucoup d'espoir. Or, ces médicaments seraient moins utiles que la prise en charge au quotidien. En quoi consiste cette prise en charge ? Quels sont les médicaments anti-Alzheimer ? Quels sont les problèmes avec ces médicaments ? Les explications avec le Pr Alain Astier, pharmacien.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

La maladie d'Alzheimer, du nom du médecin allemand qui l'a décrite en 1906, est une dégénérescence cérébrale liée à l'âge qui provoque des troubles de la mémoire, du jugement et du comportement. On parle de démence. C'est une tauopathie (dépôts anormaux d'agrégats de protéine Tau au niveau cérébral). C'est exceptionnel avant 65 ans mais à 80 ans, on estime le risque à 15%.

On observe une évolution progressive (débute dans l'hippocampe puis atteinte progressive du cortex cérébral), malheureusement inéluctable et qui conduit à une dépendance totale. Elle pose de nombreux problèmes aux proches.

La maladie d'Alzheimer se développe du fait du vieillissement de la population et d'un diagnostic plus affiné. Actuellement, on estime à environ un million le nombre de patients alors que 1,5 million de patients sont attendus en 2020.

Maladie d'Alzheimer : quelle prise en charge ?

La prise en charge a pour objectif de ralentir l'évolution de la maladie, qui peut être très variable d'un patient à l'autre. On ne peut pas espérer reverser et encore moins guérir.

Il faut aussi améliorer la qualité de vie du patient et des aidants. Pour cela, deux stratégies : des mesures d'accompagnement au quotidien (aide à domicile), aménagement du domicile, prise en charge psychologique, thérapies cognitives etc… mais aussi utiliser des médicaments dits anti-Alzheimer et des psychotropes.

Quels sont les médicaments anti-Alzheimer ?

Il faut d'emblée dire que ces médicaments sont nettement moins utiles qu'une prise en charge au quotidien. Mais il est plus satisfaisant de penser qu'un traitement pharmacologique qui prend trente secondes est plus pratique qu'une prise en charge personnelle longue et complexe. C'est l'idée bien ancrée de la pilule miracle. Malheureusement cela ne marche pas vraiment.

On a des médicaments dits "spécifiques" comme le donépézil (Aricept®), la rivastigmine (Exelon®), la galantamine, la mémantine. Ils agissent sur le système cholinergique parasympathique comme anticholinestérasiques. Certains auraient montré une faible efficacité, mais de très courte durée chez moins de 10% des patients avec un retard de l'aggravation d'environ six mois.

Mais il n'y a pas d'amélioration démontrée de la qualité de vie ou sur la perte d'autonomie. L'ANSM leur a attribué une ASMR (amélioration du service médical rendu) mineure et leur usage n'est plus recommandé. On cherche activement surtout vers l'immunothérapie, les anticorps anti-protéine Tau mais les résultats cliniques sont très décevants.

Médicaments anti-Alzheimer : une efficacité relative

Le problème avec ces médicaments concerne comme toujours le rapport bénéfice/risque. Peu ou pas de bénéfice, mais beaucoup d'effets indésirables :

- des troubles neurologiques et psychiques : tremblements, aggravation de Parkinson, hallucinations, confusions...

- des troubles digestifs : nausées, vomissements, anorexie (ce qui complique la dénutrition classique de la personne âgée)

- des troubles cardiaques : ralentissement du coeur, syncopes

On ajoute aussi parfois d'autres médicaments pour calmer les patients avec un comportement agressif agité, comme des neuroleptiques du type phénothiazine ou butyrophénone ou encore des benzodiazépines dont l'usage excessif chez un sujet non-atteint serait un facteur déclenchant.

Ces médicaments sont donc peu efficaces mais comportent beaucoup d'effets indésirables (somnolence, confusion, déshydratation, risques de chutes...).

Des risques d'interactions avec d'autres médicaments ?

Il existe également des risques d'interactions avec d'autres médicaments, notamment avec les AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) qui vont aggraver les choses ou encore avec des bêta-bloquants.

En résumé, les médicaments aident très peu les patients Alzheimer. Ils sont nettement moins utiles qu'une prise en charge au quotidien mais qui est évidemment plus compliquée à mettre en oeuvre. Il s'agit là d'un cas de figure assez courant : le médicament miracle qui cherche à éviter une stratégie plus contraignante, une statine plutôt que le régime.