AVC : les femmes principales victimes mais oubliées de la recherche

L’AVC représente la première cause de mortalité chez les femmes dans le monde mais ces dernières restent très mal informées de leurs facteurs de risque.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le
AVC : les femmes principales victimes mais oubliées de la recherche

L’AVC représente la première cause de mortalité chez la femme au niveau mondial. Pourtant, elles demeurent peu informées de ce risque, restent sous représentées dans les essais cliniques, et les données sur les spécificités de ce groupe de population sont très hétérogènes d’un pays à l’autre, voire manquantes. C’est dans ce contexte que Charlotte Cordonnier (Inserm - CHU Lille) a coordonné une revue des publications internationales, publiée ce mois-ci dans la revue Nature reviews Neurology. Une étude écrite par des femmes chercheuses pour les femmes. Objectif : pointer les spécificités de l’AVC chez la femme afin de dégager des priorités de recherche futures et sensibiliser les pouvoirs publics pour faire décroître ce fléau mondial.

Des facteurs de risque spécifiques à la femme

Certains facteurs de risque de l'AVC sont plus sévères chez la femme que chez l'homme. En effet, le diabète ou l’hypertension sont plus importants chez les femmes et il a été montré que la survenue d’une hypertension au cours de la grossesse affectait le risque d’AVC de nombreuses années après la grossesse. La fibrillation auriculaire par exemple double le risque d’AVC par rapport aux hommes. Selon Charlotte Cordonnier, ces différences entre les hommes et les femmes n’ont émergé que récemment sous l’impulsion de la féminisation de la recherche. "Or être un homme ou une femme est une différence majeure", rappelle-t-elle. "L’objectif de cette publication est de sensibiliser le monde scientifique sur l’importance de réaliser des études qui prennent en compte les femmes afin de prescrire des traitements ad hoc. Pour l’AVC, on sait que les femmes de 80 ans sont les plus fortement touchées, néanmoins les études scientifiques disponibles ont été réalisées sur des hommes de 60 ans", précise la chercheuse. (Dans la plupart des études, il y a une limite d’âge pour éviter les cas de co-morbidité, ce qui explique que les personnes âgées soient écartées). De même, les tests réalisés sur des souris ne prennent en compte souvent que les mâles. Or, selon la chercheuse, si les médecins étaient mieux informés des spécificités liées à l’AVC chez la femme, ils pourraient mieux la soigner.

Des AVC considérés au départ comme des crises d'hystérie

Par ailleurs, les études internationales disponibles actuellement mettent en lumière des difficultés de prise en charge et de traitement de l’AVC chez la femme. "Les délais sont plus longs pour arriver à l’hôpital, et le diagnostic moins vite posé que chez l’homme, ce qui entraîne un traitement moins approprié", explique Charlotte Cordonnier. Les raisons de cette situation ne sont pas totalement claires même si les auteures précisent que les femmes, bien que connaissant davantage les symptômes d’un AVC que les hommes, seraient moins promptes à appeler l’ambulance pour elles-mêmes". Contrairement à ce que Charlotte Cordonnier pensait avant de commencer cette étude, ce sont bel et bien des facteurs socio-culturels qui sont en jeu dans les retards de prise en charge, plutôt que des données purement médicales. "Le professeur Charcot au 19ème siècle a mené plusieurs conférences pour expliquer que les femmes souffrent de crises d’hystérie, d’anxiété ou d’angoisse. C’est pourquoi aujourd'hui encore, lorsqu'elles arrivent aux urgences après un AVC, trop de médecins ne pensent pas tout de suite à l’AVC mais à l’hystérie", explique la chercheuse.

Vers des recommandations internationales spécifiques ?

Les auteures estiment qu’un meilleur contrôle des facteurs de risque spécifiques chez les femmes ainsi que des recommandations internationales soient nécessaires pour réduire l’incidence de l’AVC féminin. "C’est bien le cerveau qui cause la plus grande mortalité chez les femmes", insiste la chercheuse. Des campagnes telles que "Je suis une femme", lancée par la World Stroke Organization pourraient compléter ces dispositifs en soulignant le fait que les femmes sont souvent les premières au sein de la famille à prendre soin de la victime d’un AVC mais néanmoins les moins biens prises en charge quand ce sont elles les victimes. Pourtant, pour qu’un AVC ne laisse pas de séquelles, il faut que les secours interviennent dans les premières heures.

" Les essais cliniques devraient aussi être conçus en prenant en compte la population des femmes, de manière à disposer de données plus complètes concernant les traitements et prises en charges efficaces", concluent les auteures de l'étude.