Comment les éléphants trompent le cancer

Les scientifiques pensent avoir percé le mystère de l'immunité des éléphants contre le cancer, une maladie que les pachydermes développent rarement comparativement à l'homme, malgré le fait que leur corps compte beaucoup plus de cellules.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Comment les éléphants trompent le cancer

Pour expliquer cette faculté du mammifère à tromper la maladie, ces chercheurs ont analysé le génome de l'éléphant africain et découvert au moins quarante copies de gènes qui produisent une protéine appelée p53, connue pour ses puissantes propriétés anticancéreuses. Comparativement, le génome humain ne compte que deux copies de ces gènes, précisent-ils dans leur étude publiée jeudi 8 octobre 2015, dans le Journal of the American Medical Association (JAMA).

Une protéine aux puissantes propriétés anticancéreuses

Les scientifiques de l'Institut Huntsman de recherche sur le cancer à l'université d'Utah et du Ringling Bros. Center for Elephant Conservation ont testé cette résistance au cancer en extrayant des cellules de globules blancs du sang d'éléphant qu'ils ont soumis à des substances qui endommagent l'ADN et déclenchent souvent un cancer. Ces cellules endommagées du système immunitaire ont réagi en "se suicidant" sous l'action de la protéine p53.

"Si on détruit les cellules dont l'ADN est endommagé on empêche qu'elles ne deviennent cancéreuses ce qui est beaucoup plus efficace comme prévention du cancer que de tenter d'arrêter la réplication de cellules mutantes incapables de s'auto-réparer", explique le Dr Joshua Schiffman, un cancérologue pédiatre de l'Institut Huntsman, l'un des principaux auteurs. Il relève que les personnes atteintes du syndrome héréditaire de Li-Fraumeni se trouvent dans une situation opposée à celle des éléphants puisque celles-ci n'ont qu'une seule copie active du gène codant la protéine p53 et de ce fait plus de 90% de risque de développer un cancer dans le cours de leur vie.

Les chercheurs ont comparé les réactions anti-cancéreuses des cellules immunitaires d'éléphants à celles d'humains, dont certaines personnes souffrant du syndrome de Li-Fraumeni. Ils ont constaté que les cellules irradiées d'éléphants s'auto-détruisaient deux fois plus (14,6%) que celles d'humains en bonne santé (7,2%) et plus de cinq fois plus que celles de personnes atteintes du syndrome de Li-Fraumeni (2,7%). Ces résultats confortent l'idée que plus l'organisme produit des protéines p53, plus grande est la protection contre le cancer, concluent les chercheurs qui pensent avoir percé l'énigme des éléphants.

"Adapter ces mécanismes" chez l'homme

Avec cent fois plus de cellules dans leur organisme que les humains et de ce fait, en principe, cent fois plus de risque de développer un cancer, les scientifiques ne comprenaient pas la faible incidence de la maladie chez ces pachydermes qui vivent de 50 à 70 ans. Selon une vaste banque de données, le taux de mortalité par cancer chez les éléphants est inférieur à 5% comparativement à une estimation de 11 à 25% pour les humains.

"La nature a déjà découvert les moyens de prévenir le cancer et il nous revient d'apprendre comment ces différents animaux se confrontent à ce problème de manière à ce que nous puissions adapter ces mécanismes pour prévenir le cancer chez les humains", note le Dr Schiffman.

Ces animaux qui ne développent pas de cancer

D'autres espèces animales sont apparemment prémunies contre le cancer comme le rat-taupe nu, qui vit dix fois plus longtemps que ses cousins les rats et souris, et n'a jamais de tumeur cancéreuse. Même chose pour la baleine boréale, qui peut vivre deux siècles. Ces chercheurs envisagent de tirer profit des résultats de cette étude pour développer de nouveaux traitements anti-cancéreux.

"Si les éléphants détiennent des clés permettant de percer certains mystères du cancer, cela devrait aider à mobiliser davantage le public dans la lutte pour sauver les éléphants" africains, menacés d'extinction par le braconnage pour l'ivoire, estime également Eric Peteson, le responsable des éléphants au zoo Hogle d'Utah qui a participé à cette étude.

Source : "Potential Mechanisms for Cancer Resistance in Elephants and Comparative Cellular Response to DNA Damage in Humans", JAMA. Published online October 08, 2015. doi:10.1001/jama.2015.13134