Cancer : méfiez-vous des médecines alternatives

Homéopathie, plantes, vitamines, acupuncture, massages, ostéopathie… De nombreux patients ont recours à des médecines complémentaires, aussi appelées médecines douces, parallèles ou alternatives. Quelles sont les différentes médecines complémentaires ? Que penser des plantes en cancérologie ? Quid des traitements alternatifs ? Les explications avec le Pr Alain Astier, pharmacologue.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

Une étude française communiquée lors de l'un des plus importants congrès de cancérologie américain (ASCO) avait montré que près de 40% des patients cancéreux avaient recours aux médecines alternatives et complémentaires. Ce chiffre est probablement sous-estimé (90% des patients y auraient recours selon une étude américaine).

Les patients en attendent souvent un soutien pour leur permettre de mieux supporter les traitements. Si ces médecines peuvent soulager, elles ne peuvent en aucun cas remplacer les traitements habituels du cancer. Certaines peuvent avoir des effets secondaires ou interagir avec les traitements prescrits et avoir des conséquences qui peuvent être redoutables.

Il n'est pas question de jeter la pierre sur les patients qui luttent pour leur vie et sa qualité. Mais il convient de dénoncer ceux qui en profitent.

Des médecines complémentaires diverses et variées

Sous le terme de médecines alternatives et complémentaires, on regroupe des notions tout à fait différentes. On distingue :

  • traitements complémentaires avec prise orale de substances "normales" type aliments : supplémentation en vitamines, oligo-éléments, probiotiques, certains aliments à visée antioxydante
     
  • traitements complémentaires avec prise de substances dites naturelles mais normalement non alimentaires : plantes, champignons (herbal médicine), extraits animaux etc.
     
  • traitements alternatifs qui "remplacent" les traitements dits classiques : c'est le domaine de l'escroquerie, des remèdes miracles...
     

Pour les stratégies physiques et psychologiques, pas de problème avec les traitements chimiothérapiques. Ils peuvent être très bénéfiques pour aider à supporter ces traitements, voire améliorer l'observance. C'est le type de médecines alternatives et complémentaires le plus fréquent. C'est un élément clé de ce qu'on appelle la médecine intégrée, prise en charge globale du patient cancéreux. Bien sûr, ils ne peuvent pas s'y substituer !

Pour les traitements de supplémentation, certaines vitamines en gros excès pourront interférer avec des chimiothérapies en diminuant leur efficacité parce que ces traitements protègent les cellules normales mais aussi cancéreuses comme les antioxydants (vitamine E, coenzyme Q etc.). Cela est intéressant pour protéger du cancer en détoxifiant les radicaux libres qui sont parfois des agents favorisant la cancérisation (par exemple les crucifères comme le chou ou les fibres pour le cancer colorectal). Il y a aussi le jus de pamplemousse qui est bien connu.

Des plantes pour lutter contre le cancer ?

Le vrai problème, ce sont les médecines par les plantes, notamment ce que l'on appelle "herbal medicine". Elle concernerait 10% des patients. On trouve en particulier des herbes chinoises qui sont des mélanges de plusieurs plantes plus ou moins connues et qui peuvent conduire à de sévères interactions et toxicités avec les traitements conventionnels, surtout ceux administrés par voie orale. Elles bénéficient de l'aura exotique, du goût pour le "naturel", des médecines "traditionnelles".

Certains extraits de plantes pourraient avoir des effets positifs, par exemple la curcumine mais à des doses inatteignables si on consomme du curcuma alimentaire, voire des concentrés. Plusieurs anticancéreux classiques très efficaces sont extraits ou dérivés de la nature : adriamycine, bléomycine, vincristine...

Problème, les extraits de plantes dits compléments alimentaires disponibles en pharmacie comme le millepertuis, prétendu antidépresseur, donnera de très nombreuses interactions avec beaucoup de chimiothérapies orales (par exemple l'imatinib) voire injectables, mais aussi avec beaucoup d'autres médicaments complémentaires des traitements (anti-nauséeux, antalgiques, anti-hypertenseurs...).

Quant à ceux vendus sur Internet, leur composition et leur pureté sont très sujettes à caution. Certains sont très dangereux comme l'amygdaline ou laetrile qui libère de l'acide cyanhydrique, un poison violent. De nombreux gourous escrocs pullulent dans le secteur et font des fortunes sur le malheur.

Il faut aussi tenir compte des doses. C'est particulièrement le cas avec le thé vert réputé comme anticancéreux. À doses normales, pas de problème mais à doses plus importantes, on observera des diminutions d'absorption de nombreux médicaments anticancéreux oraux donc une baisse d'efficacité. Idem pour les huiles de poisson, le gingembre etc. Quant à leur efficacité, c'est un autre problème.

Traitements alternatifs : gare à l'escroquerie

Les traitements alternatifs sont une catastrophe, car les patients vont abandonner les traitements dits classiques qui ont prouvé une certaine efficacité grâce à des essais cliniques contrôlés et les remplacer par des produits "miracles" vendus par des escrocs, des charlatans qui les enrobent souvent dans des pratiques sectaires mais très lucratives.

Dans le "meilleur" des cas, ces traitements seront inefficaces mais priveront le patient de chance d'amélioration voire de guérison. Et dans le pire des cas, ces traitements seront toxiques, comme par exemple l'amygdaline. Il faut donc éviter absolument ces traitements alternatifs.