L'incinérateur d'Ivry suspecté d'être à l'origine de plusieurs cancers

16 cas de cancers ont été recensés dans un lycée proche du centre d’incinération des déchets d’Ivry-Paris XIII. Les fumées qu'il émet sont notamment chargées en dioxines, des substances cancérogènes.

Géraldine Zamansky
Rédigé le
Cancers : l'incinérateur d'Ivry responsable ?
Cancers : l'incinérateur d'Ivry responsable ?  —  Le Mag de la Santé - France 5

Caroline Quiniou enseigne au lycée Romain Rolland d’Ivry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, depuis 12 ans. Parmi ses collègues, les cas de cancers se multiplient depuis plusieurs années.

"Notre inquiétude vient du fait qu'on a répertorié 16 cas de cancers, dont 11 ces dix dernières années dans l'établissement" 
explique l'enseignante et secrétaire académique du syndicat Snes-FSU Créteil. "Parmi les 11 cas, il y en a sept qui sont decancers du sein et parmi les quatre autres cancers, on a remarqué qu'il y en avait trois qui étaient des cancers du pancréas chez des gens qui étaient logés ou qui ont travaillé plus longuement dans l'établissement", liste-t-elle.

"Une coïncidence qui commence à être troublante"

L’équipe recense déjà six décès. Il est impossible de ne pas s’interroger sur un lien entre ces maladies et l’environnement de leur établissement.

"On a l'impression que notre lycée est plus exposé aux polluants que d'autres lycées en France ou même en région parisienne. Comme on a une vision un peu académique sur les autres lycées, on n'a pas trouvé d'autres endroits dans lesquels il y a autant de cancers. C'est peut-être une coïncidence, mais elle commence à être troublante et c'est ce qui nous a alertés", poursuit Caroline Quiniou.

Depuis 2021, ces enseignants réclament en vain une enquête pour mesurer s’il existe dans leur établissement une contamination anormale ou s’il s’agit vraiment d’une coïncidence. Leur inquiétude s’aggrave au fil des révélations d’un collectif écologiste, le collectif 3R, sur une pollution anormale dans la ville du lycée. Avec des taux de dioxine, des substances justement cancérigènes, hors de la réglementation européenne. Et le principal suspect est l’incinérateur d’Ivry-sur-Seine, le plus grand d’Europe.

Des rejets massifs de dioxines

"Le problème de l'incinération, c'est qu'on ne sait pas ce qu'on incinère. Les industriels n'arrêtent pas d'inventer des nouveaux produits dont la composition n'est pas forcément maîtrisée en tout cas au vu de ce qu'on en fait après, de leur élimination" s'inquiète Jean-Christophe Brassac, coprésident du collectif 3R. "On ne sait pas, au moment où je vous parle, ce que ça va provoquer comme molécule dans l'air ce qu'on est en train de brûler", poursuit-il.

Les soupçons du collectif sont renforcés par l’analyse qu’il vient d’obtenir de la surveillance de l’incinérateur en 2020 et 2021. Avec des quantités anormales de dioxines dans les fumées, mais aussi, l’absence de tout contrôle pendant plus de 7 000 heures. Ces riverains demandent donc une surveillance en continu et surtout élargie à d’autres polluants. 

"Aller plus loin dans les règlementations"

"Ce qu'on aimerait bien, c'est qu’il y ait aussi des analyses des micro-particules plus petites" milite Daniel Hofnung, président d'Attac Val-de-Marne et membre du Collège Association du collectif 3R. "Parce que plus c'est petit, plus ça va pouvoir franchir les barrières biologiques et rentrer dans l'organisme. Il faut donc à tout prix aller beaucoup plus loin, d’une part dans les analyses des polluants, d'autre part dans les réglementations, puisque les réglementations sont très en retard sur tout ça", ajoute-t-il.

Pour l’instant, la seule réponse des autorités sanitaires consiste à déconseiller la consommation d’œufs de poules élevées dans les jardins d'Ivry-sur-Seine et de toute l'Île-de-France. Car leur propre enquête a révélé qu’ils contenaient des quantités dangereuses de dioxine.