Stimulation magnétique transcrânienne, nouvelle arme contre la douleur neurologique ?

La stimulation magnétique transcrânienne a déjà fait ses preuves dans la prise en charge de la fibromyalgie, où 30 à 40% des patients y sont sensibles. Elle fait actuellement l'objet d'une étude française, dans le cadre des douleurs neuropathiques, en lien avec des lésions ou anomalies du système nerveux. Elle se révèlerait une arme supplémentaire dans des souffrances difficiles à soulager.

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Stimulation magnétique transcrânienne, nouvelle arme contre la douleur neurologique ?

Le principe de la stimulation magnétique transcrânienne (SMT) repose sur l'induction d'un champ magnétique, provoquant un courant électrique dans le cortex cérébral. "Une bobine qui envoie un champ magnétique stimule le cerveau en activant les centres de modulation de la douleur", explique le Pr Bouhassira, neurologue et spécialiste de la douleur. Elle a le double avantage d'être indolore et non invasive (elle ne nécessite pas de pénétrer dans le cerveau du patient).

L'efficacité a déjà été démontrée dans la fibromyalgie[1], maladie réputée pour sa prise en charge complexe. Le protocole comportait une séance par jour pendant cinq jours, puis une séance par semaine durant trois semaines, puis une séance toutes les trois semaines durant six mois. L'amélioration portait non seulement sur la douleur mais aussi sur la qualité de vie, les troubles du sommeil et l'état général. Chez certains patients, les posologies des médicaments étaient diminuées.

En revanche, la SMT n'a pas encore fait la preuve de son efficacité dans la douleur chronique[2], les études et les protocoles étant trop hétérogènes.  Le Dr Didier Bouhassira et son équipe ont lancé une étude dans plusieurs centres de la douleur, pour vérifier son intérêt dans les douleurs neuropathiques, provoquées par un diabète, un zona, etc. "En pratique, on constate souvent une efficacité de quelques jours avec une seule séance, et des effets prolongés à un à deux semaines à l'aide de plusieurs séances", détaille le spécialiste. "Il nous faut maintenant prouver scientifiquement que la stimulation a une efficacité prolongée quand elle est réalisée de façon répétée".

Un protocole sophistiqué, en double aveugle

La durée proprement dite de la stimulation est de 15 minutes ; la séance dure toutefois 30 à 40 minutes, le temps d'installer le patient et de repérer le site à traiter, autrement dit le cortex moteur primaire, zone du cerveau qui a le plus de connexions avec le système de la douleur. Un système de neuro-navigation utilisant les IRM du patient permet de déterminer de façon précise la cible. Et un robot connecté au système corrige automatiquement la position de la bobine si le patient bouge et il la replace au bon endroit. Au final, le protocole gagne en précision et en reproductibilité.

De plus, le protocole est réalisé en double aveugle : ni le patient, ni l'opérateur ne savent si le patient reçoit un placebo ou une stimulation. Il a été rendu possible grâce à une bobine qui dispose d'une face active et une autre inactive (une face placebo, qui émet le même bruit mais ne provoque pas de champ magnétique). L'ordinateur choisit quelle face est attribuée au patient, sans que le technicien ou l'infirmier ne sache quelle face a été choisie.

L'efficacité est évaluée par le soulagement des douleurs, mesurées par des échelles validées, et éventuellement la diminution de la consommation des médicaments. "Il y a 30 à 40% de bons répondeurs, qui constatent une amélioration de leurs souffrances", explique le neurologue. "L'efficacité est donc comparable aux médicaments, ce qui fait de la stimulation une arme supplémentaire."

"Cette étude est la plus importante dans le monde", précise le Dr Bouhassira. "Il est prévu d'inclure 200 personnes à terme et aujourd'hui, plus de 70 ont été inclues et des analyses intermédiaires seront réalisées à la fin de l'année". Si ces premières conclusions sont suffisantes, l'étude aura rempli son objectif. Sinon, les inclusions se poursuivront durant un an et les résultats finaux seront publiés en 2018.

La STM n'est pas miraculeuse puisqu'elle ne fonctionne pas chez tous les patients. Mais avec 40% de résultats, c'est une option non négligeable pour le Dr Bouhassira. Et ce ne sont pas les patients souffrant de douleurs chroniques invalidantes qui le contrediront.

Source : Stimulation magnétique transcrânienne répétitive, Société Française d'étude et de traitement de la douleur 


[1] The effects of add-on non-invasive brain stimulation in fibromyalgia: a meta-analysis and meta-regression of randomized controlled trials. Hou. Rheumatology. 2016 May 5. pii: kew205.

[2] Non-invasive brain stimulation techniques for chronic pain. O'Connell. Cochrane Database Syst Rev. 2014 Apr 11;4:CD008208. doi: 10.1002/14651858.CD008208.pub3.

Effets indésirables et contre-indications

Un seul effet indésirable peut apparaître : "des céphalées peuvent survenir durant la stimulation, ou juste après", précise le Dr Bouhassira. "Elles sont transitoires, de faible intensité et calmées facilement par les antalgiques". La seule contre-indication est l'épilepsie ou un antécédent d'épilepsie puisqu'en stimulant le cerveau, il est toujours possible d'activer un foyer épileptique. La présence de matériel en métal à proximité de la bobine, comme un implant cochléaire, contre-indique également l'utilisation de la STM.