Les médecins de la douleur inquiets pour leur avenir

Chaque année,  300.000 personnes consultent dans l’un des 254 centres antidouleur de France. Pourtant, certains médecins de la douleur estiment que leur profession est en danger. En cause : des départs à la retraite et une reforme des études médicales qui laissent planer le doute sur leur avenir.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Pierrette, 82 ans, souffre de névralgie faciale. Elle n’aura pas besoin de passer par le bloc opératoire, le traitement médicamenteux qu'elle a reçu a finalement été suffisant. "Cela fait plusieurs années que je ressentais cette douleur, ça vous fait comme de l’électricité et puis comme des brûlures", témoigne-t-elle. "Des fois, cette douleur était intenable, j’avais du mal à supporter j’en aurais pleuré tellement j’avais mal".

Dans ce service, elle a bénéficié d'un traitement adapté. Il s’agit d’un anti-épileptique qui, détourné de son usage, a fait disparaitre ses douleurs au visage. Cette prise en charge met fin ainsi à des années d’errance médicale.

"C’est la spécificité des médecins de la douleur", explique le Dr Aurélie Maire, médecin de la douleur à l’hôpital Lariboisière à Paris. "On connaît bien ce type de pathologies. Et il y a souvent un retard de diagnostic parce que c’est une maladie qui reste rare et qui n’est pas très connue par les médecins. Souvent, les personnes voient de nombreux médecins avant d’en trouver un qui connaisse cette pathologie et qui sait comment la traiter."

Le recours à une chirurgie de haute précision

Au bloc opératoire, une autre patiente a eu moins de chance que Pierrette. Les médicaments ont été inefficaces pour elle. Alors pour traiter sa névralgie faciale, il n y a pas d’autre choix que la chirurgie. Là aussi, les gestes sont spécifiques et seuls les médecins de la douleur savent les pratiquer. "La difficulté c’est de rentrer dans le cerveau par un petit trou qui fait 3 millimètres et de positionner l’aiguille de façon à ce qu’on soit dans la branche exacte du nerf que l’on veut chauffer", précise le Pr Alain Serrie, également médecin de la douleur à l’hôpital Lariboisière. "Cette dame-là elle a mal dans la mâchoire du haut donc il faut positionner cette petite aiguille dans la branche de la mâchoire du haut".

Pour atteindre ce nerf, le médecin passe par la joue de la patiente. Et pour positionner l'aiguille au bon endroit, il utilise la radio.

"On va mettre maintenant à l’intérieur de cette aiguille, la thermode qui va conduire la chaleur", détaille le Pr Serrie. C’est ce fil qui va permettre brûler le nerf qui est responsable de la douleur de la patiente. Le geste est de haute précision, il ne faut pas endommager les vaisseaux aux alentours. Une demi-heure plus tard, l'opération est terminée. "On est moins de dix personnes en France à pouvoir faire ce type de geste", affirme le professeur. Mais aujourd’hui, toutes ces compétences propres à la médecine de la douleur sont en danger.

Des inquiétudes sur l’avenir de la profession

De nombreux départs à la retraite sont attendus dans les cinq prochaines années. Et ce que craint par dessus tout le Pr Serrie, c’est une réforme des études médicales. L'incertitude plane sur la formation des futurs médecins de la douleur. "Nous voulions à cette occasion que la médecine de la douleur devienne une spécialité, [comme les] diabétologues, les cardiologues, ou encore les gynécologues", explique le Pr Serrie. "Ca ne sera probablement pas le cas, nous sommes dans un flou très artistique à l’heure actuelle, on ne connaît pas le contenu de ce qui sera proposé. Nous sommes très inquiets quant à l’avenir".

Du côté des syndicats d'internes qui participent à l'élaboration de la réforme, on se veut plutôt rassurants."Non, il n’y aura pas de disparition de la discipline, les internes pourront toujours postuler à cette formation qualifiante", affirme ainsi le Dr Baptiste Boukebous, président de l’Intersyndicat National des Internes. "Il n’y aura pas de baisse d’effectifs au niveau de la discipline. Il y aura tout simplement une meilleure visibilité sur les conditions d’accès à la médecine de la douleur. Au final, tout porte à croire que les choses seront soit égales si ce n’est mieux par rapport à ce qu’il se passe actuellement".

Afin d’être fixés sur leur sort, les médecins de la douleur devront attendre les conclusions de la réforme qui devraient être rendues avant la fin de cette année.