L'Académie de médecine favorable aux recherches "médicalement justifiées" sur l'embryon

L'Académie nationale de médecine, dans un bulletin en date du 12 avril, s’est dite favorable au développement des recherches utilisant la récente technique d'édition du génome, y compris sur l'embryon humain et les cellules reproductrices.

La rédaction d'Allo Docteurs
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L'Académie de médecine favorable aux recherches "médicalement justifiées" sur l'embryon

L’institution recommande en revanche le maintien de la législation française actuelle interdisant "toute intervention sur la structure de l'ADN ayant pour conséquence de modifier le génome de la descendance".

La loi française proscrit depuis 1994 ce type d'intervention. Mais "le développement de méthodes comme CRISPR-Cas9 conduit à s'interroger sur leur utilisation potentielle sur les cellules germinales (ndlr: cellules précurseurs des spermatozoïdes et ovules) et l'embryon humain", souligne un rapport adopté par l'Académie.

Simple d'usage et peu onéreux, CRISPR-Cas9, mis au point en 2012, est une sorte de "couteau suisse" génétique qui permet de couper l'ADN à un endroit précis et d'introduire des changements dans le génome d'une cellule ou d'un organisme, par exemple pour le corriger ou le réparer.

Pour l'Académie, cette technique ne doit pas être utilisée sur l'embryon ou les cellules germinales dans le cadre d'applications cliniques, en l'état actuel des connaissances.

"La seule indication médicale acceptable serait d'éviter la transmission d'une pathologie génique à l'enfant mais les conditions, notamment celles relatives à l'efficacité et à l'innocuité de ces méthodes, ne sont actuellement pas réunies pour envisager leur utilisation clinique", souligne le rapport, fruit des réflexions d'un groupe de travail.

De ce fait et "indépendamment de toute autre considération d'ordre éthique, il paraît aujourd'hui inconcevable que les techniques de modification du génome soient utilisées sur l'embryon ou les cellules germinales avec comme perspective de faire naître un enfant", indique le rapport, rédigé par Pierre Jouannet, professeur émérite à l'Université Paris-Descartes.

"En revanche, les recherches sur l'embryon humain et les cellules germinales devraient être possibles quand elles sont médicalement et scientifiquement justifiées", déclare à l'AFP Pierre Jouannet. "Il faut les soutenir", ajoute-t-il.

L'Académie recommande "d'adapter les textes nécessaires au développement" de ces recherches en France et en Europe.

Certains points réglementaires doivent être "clarifiés", estime M. Jouannet.

Au sein de l'Académie, le débat a été "riche", dit-il. Le rapport a été adopté le 12 avril par 50 voix pour, 20 contre et 14 abstentions.

L'Académie l'a rendu public à l'occasion d'un atelier de réflexion sur l'édition du génome organisé le 28 avril dans ses locaux par la Fédération des académies européennes de médecine (FEAM).

Les débats ont montré la grande hétérogénéité des cadres réglementaires et législatifs concernant les thérapies géniques et la recherche sur l'embryon en Europe.

La Grande-Bretagne a autorisé récemment la manipulation génétique d'embryons via la technique CRISPR-Cas 9, pour des recherches destinées à mieux comprendre les causes des fausses couches.

Mais d'autres pays, comme l'Allemagne, interdisent d'intervenir sur l'embryon y compris à des fins de recherche.

En octobre 2015, le Comité international de bioéthique de l'Unesco a appelé à un moratoire sur les techniques d'édition de l'ADN des cellules reproductrices humaines afin d'éviter une modification "contraire à l'éthique" des caractères héréditaires des individus – alertant contre les tentations eugénistes.

Un sommet international sur l'édition du génome humain qui s'est tenu en décembre 2015 à Washington a conclu que la recherche fondamentale et pré-clinique devrait se poursuivre activement dans ce domaine vu son potentiel médical mais être supervisée sur le plan légal et éthique.

Si des cellules embryonnaires ou reproductrices humaines avaient leur ADN modifié, "elles ne pourraient en aucun cas être utilisées pour une grossesse", comme l'interdisent de nombreux pays, selon l'Académie américaine des sciences, organisatrice de cette réunion.