Dépistage prénatal : la France peut encore mieux faire

En France, près de 3% des femmes enceintes ne seraient pas dépistées pour des maladies telles que la syphilis ou l'hépatite B, en dépit du caractère obligatoire de ces tests.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Dépistage prénatal : la France peut encore mieux faire

A première vue, "le modèle français paraît particulièrement sérieux et organisé", analyse Ségolène Aymé, chercheuse à l’Inserm, en préambule du dernier  bulletin épidémiologique de l'InVS. Si la France est l’un des pays occidentaux où le nombre de maladies dépistées systématiquement est le plus faible, c’est que "nous nous en tenons aux dépistages dont le bénéfice est établi, et non à ceux qui sont techniquement faisables".

Ainsi, seuls les dépistages de la toxoplasmose, de la syphilis et de l'hépatite B sont obligatoires chez la femme enceinte. Le test du VIH est facultatif, mais obligatoirement proposé. Le dépistage du cytomégalovirus (CMV) n’est pas non plus obligatoire, du fait des mauvaises performances des tests sérologiques, de l’absence de vaccin et de traitement prénatal validé(1).

Près de 3% des femmes enceintes non dépistées

Mais les études publiées dans le BEH mettent en lumière quelques limites et dysfonctionnements au système actuel.

Une analyse réalisée par des chercheurs de l'InVS et de l'Institut national d'études démographiques (Ined), concernant 18.022 accouchements dans 320 établissements, montre que les dépistages prénataux obligatoires "sont loin d’être systématiquement faits". Quant aux dépistages non-recommandés, ils ne sont pratiqués "que sur un quart des femmes enceintes".

Pour la syphilis, l’absence de dépistage concernait "entre 2,6% et 2,8% des femmes", elle était "plus fréquente lorsque les femmes avaient [essentiellement] été suivies par un professionnel de santé autre qu’une sage-femme" et lorsque "le nombre de visites prénatales avait été faible".

Pour l’hépatite B, l'absence de dépistage concernait "entre 2,2% et 2,3% des femmes". Les chercheurs observent que pour 85% des non dépistées, la justification avancée était une vaccination préalable. Toutefois, rappellent-ils, une telle vaccination "ne dispense pas de l’obligation de dépistage prénatal". Ils notent que le non-dépistage "atteignait près de 7% chez les mères nées en Afrique subsaharienne et en Asie", qui sont des zones de forte endémicité du virus.  "[Ceci souligne] la nécessité non seulement d’une application rigoureuse de l’obligation de dépistage prénatal de l’hépatite B, mais aussi des recommandations de sérovaccination des nouveau-nés de mères porteuses [du virus]".

"Bien que très fréquemment réalisés, les dépistages prénataux obligatoires de l’hépatite B et de la syphilis ne le sont pas encore suffisamment", concluent les chercheurs. Les principaux facteurs associés à l’absence de dépistage étaient le fait "d'habiter hors Île-de-France" et le fait "d’avoir déjà au moins un enfant" (avec le présupposé que la femme enceinte a déjà été dépistée pour ces maladies et n'y a pas été exposée depuis).

Toxoplasmose : une préoccupation grandissante

Concernant la toxoplasmose, une proportion analogue de femmes (entre 2,8% et 2,9%) n’est pas dépistée. Toutefois, 97,5% d’entre elles savaient avoir déjà été exposée à cette maladie (et donc immunisées), ce qui réduit fortement la proportion de femmes "oubliées" par le dépistage. Dans une autre étude publiée dans le BEH, le nombre de femmes immunisées à la toxoplasmose du fait d'une exposition antérieure est passée de 54,3% en 1995 à 36,7% en 2010.

Les importants risques liés à une infection durant la grossesse(2) semblent justifier la poursuite des efforts, en dépit d'un coût important du dispositif (42 millions d'euros annuels, selon la Haute autorité de santé).

-----
(1) Il s'agit néanmoins de l'infection fœtale grave la plus fréquente en Europe. Selon les résultats des travaux de l'équipe de l'InVS et de l'Ined, le dépistage du CMV est "assez répandu", en dépit de l’absence de recommandation, puisqu’il concerne environ une femme sur quatre. Les chercheurs notent en revanche "un défaut d’information des femmes concernant le dépistage prénatal du VIH", puisque "10,2% à 11,0% des femmes ont déclaré ne pas avoir été dépistées".

(2) L'InVS rappelle que lorsqu'une primo-infection à la toxoplasmose survient en cours de grossesse, elle a 25% de risque de s’accompagner d’une transmission au foetus, entraînant une toxoplasmose congénitale "[pouvant provoquer] une mort fœtale ou des complications neurologiques ou ophtalmologiques au cours des premières années de vie : hydrocéphalie, microcéphalie, retard psychomoteur ou déficit visuel".

Source : Dépistage des maladies infectieuses en cours de grossesse : résultats de l’enquête Elfe en maternités, France métropolitaine, 2011. E. Richaud-Eyraud et coll. Bull Epidémiol Hebd. 2015;(15-16):254-63.

Comme le rappelle le BEH, les dépistages d'affections in utero permettent aux parents "de choisir de poursuivre ou non la grossesse, de préparer l’accouchement en milieu spécialisé si nécessaire [ou], plus rarement, d’instaurer un traitement [avant la naissance]".

Juste après la naissance, les dépistages permettent d’agir rapidement pour éviter certaines séquelles.