Nouvelles critiques autour de la sécurité des cosmétiques pour bébés

Les shampoings, lotions, laits nettoyants, lingettes et autres cosmétiques utilisés au quotidien pour les bébés comportent encore trop de substances chimiques "potentiellement dangereuses ou allergènes", déplore dans une enquête diffusée le 15 février 2015 l'ONG Women in Europe for a Common Future (WECF).

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Nouvelles critiques autour de la sécurité des cosmétiques pour bébés

Entre juillet et août 2015, l’organisation Women in Europe for a Common Future (WECF) a passé au crible 341 produits cosmétiques pour bébés vendus en France dans les pharmacies, parapharmacies, supermarchés et magasins "bio".

Sur la base d'études scientifiques et d'évaluations d'autorités sanitaires européennes et françaises reconnues[1], cette ONG a classé les ingrédients qui composent ces produits en trois catégories : "risque élevé", "risque modéré" et "risque faible ou non identifié". Selon les résultats de cette enquête, 299 sur 341 des produits testés sont composés d'ingrédients à "risque élevé".

Le taux de ces substances dans les produits testés n'est toutefois pas précisé. La dangerosité ces composés n'étant actuellement établie qu'à partir de certains seuils, les risques réels sont donc difficiles à évaluer. "Mais la pertinence de ces seuils est toute relative", précise à Allodocteurs.fr Elisabeth Ruffinengo, responsable projets santé-environnement de WECF, "car elle occulte la question des interactions possibles entre les molécules, le fameux « effet cocktail ». Or, c’est bien le mélange qui est appliqué sur la peau des bébés, pas des molécules isolées." Elle appelle à ce que les études de toxicité soient menées sur les combinaisons de produits, et non sur les composés isolés.

Effets soupçonnés ou avérés

Plusieurs substances ont déjà fait l’objet de signalements par le passé. C’est le cas d’un allergène par contact (la méthylisothiazolinone ou MIT), retrouvé dans 19 produits, dont 7 lingettes. A la fin de l'année 2012, la Société française de dermatologie avait jugé que cette MIT (conservateur très largement utilisé dans les cosmétiques en remplacement des parabens, eux-mêmes accusés d'être des perturbateurs endocriniens), entraînait un nombre croissant d'irritations et d'eczémas. En septembre 2014, Bruxelles avait d'ailleurs imposé de réduire son usage sans toutefois l'interdire.

"Le comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (SCCS) a rendu plusieurs rapports successifs sur la [MIT]", précise WECF dans son enquête. "Pour les produits rincés (gels douche, shampooings, NDLR), il juge que la concentration de 100 ppm actuellement autorisée (0,01%) et défendue par l’industrie cosmétique, [n’est pas] sûre pour l’allergie par contact […] ; il préconise une concentration maximale de 0,0015% y compris dans les produits rincés".

WECF aurait par ailleurs identifié un conservateur soupçonné d'effets toxiques sur la reproduction (le phénoxyéthanol) dans 54 produits (dont 26 lingettes), ainsi que des parfums "impliquant des risques potentiels d'allergies" dans 226 produits. "Seul le liniment (un mélange d’eau de chaux et d’huile végétale souvent utilisé pour la toilette des bébés, NDLR) ne présente aucune substance à risque élevé", a précisé à la presse Elisabeth Ruffinengo la veille de la publication du rapport.

Des produits "à risque modéré" retrouvés dans 181 produits

L'ONG a par ailleurs retrouvé quatre ingrédients ou familles d'ingrédients classés à "risque modéré" dans 181 produits : l'EDTA, un composé très présent dans les produits moussants (shampoings et bains), des sulfates (laureth et lauryl sulfate), qui sont des agents moussants potentiellement irritants, ainsi que des huiles minérales, issues de la chimie du pétrole, pouvant être contaminées par des impuretés et des nanoparticules, "dont les effets sont encore mal évalués".

L'EDTA a été retrouvé dans 87 produits, dont 30 lingettes ; les sulfates dans 50 produits, en grande majorité des produits pour le bain et des shampoings ; les huiles minérales dans 30 produits, majoritairement des crèmes et lotions ; enfin, les nanoparticules, dans 14 produits solaires.

L'appel au "principe de précaution"

WECF, qui repose sur un réseau de 150 organisations environnementales et féminines présentes dans 50 pays, demande "l'interdiction des trois ingrédients à risque élevé dans tous les cosmétiques destinés aux enfants de moins de 3 ans".

"On a été très surpris par l'omniprésence de parfums dans la quasi-totalité des produits", alors que cet ingrédient, totalement superflu, peut causer des allergies par contact, a souligné Mme Ruffinengo.

"Il y a eu certes des progrès réalisés" dans la composition des cosmétiques pour bébés, a-t-elle ajouté, "mais le principe de précaution voudrait qu'on n'utilise pas des substances dont on sait qu'elles sont potentiellement dangereuses", a-t-elle observé. Car la peau du bébé et du jeune enfant est particulièrement fragile, rappelle l’ONG en marge de la publication des résultats. "Son pH est neutre durant les premières semaines et elle n'est pas encore protégée par le film hydrolipidique qui met les cellules à l'abri des influences extérieures. Elle est aussi plus perméable que celle de l'adulte, car les cellules de l'épiderme ne sont pas encore suffisamment soudées les unes aux autres". En outre, chez le bébé, la zone du siège, souvent humide et chaude, est particulièrement sensible "car elle favorise l'absorption des substances par voie cutanée". 

Or, l’enquête montre que les ingrédients incriminés se retrouvent très souvent dans les lingettes. "C'est très inquiétant. Les lingettes sont très utilisées car elles sont pratiques, sans rinçage, transportables partout", a relevé Mme Ruffinengo.

 


[1] L’ONG explique avoir pris pour référence les données du comité scientifique européen pour la sécurité des consommateurs (SCSS) et l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

En octobre 2013, l'association de consommateurs UFC-Que Choisir avait passé au ban d'essai 27 lingettes pour bébés et avait constaté que 94% des lingettes testées pourraient être nocives.

En 2012, l’ANSM avait elle-même recommandé, "à titre de précaution", de ne pas utiliser des lingettes pour bébés contenant du phénoxyéthanol, ce même conservateur classé à risque élevé par WECF.