Le recours à la césarienne trop fréquent dans certains pays d'Europe

Le recours à la césarienne varie considérablement selon les pays d'Europe, selon une étude internationale publiée ce 9 mars. Alors que la césarienne n'est pratiquée que pour 14,8% des accouchements en Islande, elle est majoritaire (52,2%) à Chypre. Aucun consensus ne semble exister, à l'échelle européenne, sur les circonstances médicales justifiant cette opération.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Image : taux de césarienne en Europe en 2010 (crédit : rapport Euro-Peristat 2014) - Vidéo : entretien avec le Dr Thierry Harvey, chef de service gynécologie-obstétrique
Image : taux de césarienne en Europe en 2010 (crédit : rapport Euro-Peristat 2014) - Vidéo : entretien avec le Dr Thierry Harvey, chef de service gynécologie-obstétrique

En France, 21% des accouchements n'ont pas lieu par voie basse, mais par césarienne. Dans plus de la moitié des cas (11,3% des accouchements), l'intervention est programmée avant le début du travail (dans les 9,7% restants, la décision est prise en urgence).

Notre pays est ainsi "dans la moyenne basse" européenne, selon l'étude publiée dans le British Journal of Obstetrics and Gynaecology (BJOG), réalisée dans le cadre du programme euro-PERISTAT (recensement de données sur la santé périnatale dans 26 pays d'Europe).

Selon les chercheurs qui ont conduit ces travaux, les résultats "mettent en évidence un manque évident de consensus sur les bonnes pratiques obstétriques" en Europe. "Les différences observées soulèvent des questions sur l'origine de ces variations". "Nous devons mener une étude comparative des politiques et des directives nationales […] afin de nous assurer [que le recours à cette] pratique clinique est fondée sur des preuves, et donner la priorité à la santé des mères et des enfants", dit-elle.

Excès de précautions

Le manque de formation de certains obstétriciens aux situations non-conventionnelles (naissances de jumeaux, enfant se présentant par le siège) est présenté comme l'une des clés du problème. Ainsi, moins de la moitié des naissances multiples en Norvège, l'Islande, la Finlande et les Pays-Bas sont réalisées par césarienne, contre plus de 90% à Malte et à Chypre. En Norvège et en Finlande, un enfant se présentant par le siège est accouché par voie basse dans plus de 25% des cas. Ce taux chute sous les 10% en République tchèque, en Allemagne, en Italie, au Luxembourg, à Chypre, à Malte, en Ecosse et en Suisse.

À Chypre, les accouchements sont à 38,8% des césariennes programmées (13,4% des césariennes décidées en situation d'urgence). A l'inverse, en Roumanie, moins de 4% des césariennes sont planifiées à l'avance ; mais il s'agit d'un recours d'urgence pour 33,1% des naissances. Environ trois quarts des césariennes programmées chypriotes seraient injustifiées sur la base des critères diagnostiques en vigueur dans les pays scandinaves ; en Roumanie, un manque de prévention semble entraîner de fréquentes complications.

À noter que, selon une étude Inserm publiée en juillet 2014, 28% des césariennes programmées en France pourraient être évitées. En 2009, la Fédération hospitalière de France (FHF) dénonçait déjà dans une étude la tendance à multiplier ces interventions par commodité ou intérêt économique, particulièrement dans les cliniques privées.

 

Sources :

  • Wide differences in mode of delivery within Europe: risk- stratified analyses of aggregated routine data from the Euro-Peristat study. A.J Macfarlane et coll. BJOG, 9 mars 2015. doi:10.1111/1471-0528.13284
  • EUROPEAN PERINATAL HEALTH REPORT Health and Care of Pregnant Women and Babies in Europe in 2010 - 9 mars 2015 [pdf]

 

Pour en savoir plus sur la césarienne :

La césarienne n'est pas une intervention anodine. Selon l'Institut de Veille Sanitaire (InVS), le risque de mort maternelle est multiplié par 3,5 par rapport à l'accouchement par les voies naturelles (complications liées à l'anesthésie, risques d'infection et de thromboembolie). En cours d'opération, les organes voisins de l'utérus peuvent, dans de très rares cas, subirent des lésions (blessures de l'intestin, des voies urinaires ou des vaisseaux sanguins). Dans le cas exceptionnel d'une hémorragie provenant de l'utérus, qui peut menacer la vie de la patiente, une transfusion sanguine peut s'avérer nécessaire. Les vingt-quatre heures suivant l'intervention sont souvent douloureuses et nécessitent des traitements antalgiques puissants. La mère peut voir apparaître un hématome ou une infection de la cicatrice. La césarienne entraîne assez fréquemment des infections urinaires qui, si elles sont presque toujours sans gravité, constituent une gêne importante pour la patiente.