Comment mieux repérer et aider les adultes autistes ?

Des milliers de personnes autistes ont été oubliées des programmes de soin et diagnostiquées que 30 ou 50 ans plus tard. Reportage à Lyon, au pôle ADIS "Autisme Déficients Intellectuels" de l’hôpital Le Vinatier qui les accompagne.

Farah Kesri
Rédigé le , mis à jour le
Un centre spécialisé pour mieux repérer les adultes autistes
Un centre spécialisé pour mieux repérer les adultes autistes  —  Le Mag de la Santé - France 5

Anne connaît bien les allées de cet hôpital psychiatrique. Longtemps, elle a cherché à comprendre d’où venait sa différence. Il lui a fallu attendre l’âge de 53 ans pour qu’enfin les signes de son autisme soient identifiés.

"Je suis née à une époque où ce que j'avais n'existait pas" explique Anne Royneau."J’ai eu tous les diagnostics à peu près qui existaient à l'époque. J'avais l'impression que si je rentrais chez le spécialiste de la schizophrénie, j'étais schizophrène, chez le spécialiste de la maniaco-dépression ou bipolarité, maintenant, j'avais ça. Je suis arrivée à l'âge adulte en ayant l'impression d'avoir été blessée sans comprendre d'où ça venait. Ce que je regrette, c’est que je suis passée à côté ma vie durant 53 ans".

En finir avec l'errance diagnostique

Il existe des milliers d'histoires comme celle d’Anne. Pour la Professeure Caroline Demily, cheffe de pôle autisme déficients intellectuels au centre hospitalier le Vinatier, la France a pris un immense retard dans cette prise en charge de l’autisme de l’adulte :"On s'est trompé de diagnostic d'une part en raison d'un manque de formation et d'autre part parce qu'on a longtemps cru que l'autisme concernait exclusivement les psychiatres de l'enfant et de l'adolescent" déplore-t-elle.

"Tous ces adultes, qui étaient hier des enfants, n'ont pas pu bénéficier des structures actuelles de diagnostic. Ils ont souvent traversé l'école sans que l'on ne sache la nature de leurs symptômes et pourquoi ils avaient du mal à interagir avec la société ", poursuit la professeure.

Se souvenir des symptômes

Pour remédier à l’errance diagnostic des adultes autistes, une consultation leur est consacrée au centre hospitalier le Vinatier. Repli sur soi, difficultés à communiquer avec les autres, fatigue... ce sont des signes qui sont sûrement apparus dès l’enfance, encore faut-il s’en souvenir et ce n’est pas la seule difficulté.

"On a aussi des personnes qui ont des bonnes capacités de camouflage des symptômes autistiques et c'est lors d'un événement particulier, stressant, qu'on va voir les symptômes autistiques qu'on n'avait pas vus avant", explique la Dre Élodie Zante, psychiatre au pôle autisme déficients intellectuels au centre hospitalier le Vinatier.

Des patients au service des familles

À cette consultation s’ajoute une aide aux familles qui le souhaitent. Anne, fort de son vécu, s’est mise au service des médecins et des parents. Le fils d’Albert Setter souffre depuis plus de 20 ans d’un autisme sévère, très mal suivi jusqu’à présent.

"Il sort de 3 ans de chambre d'isolement attaché, il y a beaucoup d’établissements qui se disent spécialistes de l’autisme et puis en réalité, ils les envoient à l’hôpital et après, ils sont incarcérés", commente Albert Setter. 

"Moi si on m'avait attachée, je me serais sentie en danger et je n’aurais même pas vu le côté hospitalier, j'aurais vu le côté agression et j'aurais mis le paquet pour me défendre comme si ma vie en dépendait et forcément, j'aurais été perçue comme agressive", précise Anne.

450 000 adultes touchés en France

C'est une situation insoutenable pour des parents. Albert a finalement pu transférer son fils Benjamin dans cette unité spécialisée pour une évaluation sur plusieurs jours.

"On l'a accueilli pour pouvoir l'évaluer tranquillement et comprendre ses particularités, pour essayer d'avoir avec lui et avec sa famille un projet inclusif. Notre objectif est qu'il puisse vivre à l'extérieur comme tout un chacun", confie la Pre Caroline Demily.

En France, le nombre de personnes autistes adultes est estimé à 450 000. Cette prise en charge adaptée à ces patients n’existe pour l’instant que dans trois régions.