Comment mieux accompagner les femmes victimes de fausse couche ?

De nombreuses femmes se plaignent d’un manque d’accompagnement des soignants qui banaliseraient les fausses couches. Plusieurs équipes hospitalières ont décidé d'améliorer leur prise en charge. Reportage.

Rédigé le , mis à jour le


Contractions, douleurs pelviennes, saignements… une quinzaine de femmes se présentent chaque jour dans ces urgences gynécologiques. Les motifs de consultation les plus fréquents sont les fausses couches

Cet arrêt spontané de la grossesse nécessite rarement une hospitalisation, mais qui représente une épreuve pour les femmes. 

Un décalage entre vécu du soignant et de la patiente

"Le problème dans la prise en charge des fausses couches, c’est qu’il va y avoir un décalage complet entre une pathologie physiologique banale, on en voit plusieurs par jour, et le vécu de la patiente pour qui c’est un événement extrêmement violent, qui peut être traumatisant, avec un processus de deuil qui peut nécessiter du temps", explique le Dr Marie-Charlotte Lamau, gynécologue obstétricienne à l'hôpital Saint-Joseph à Paris. Ce décalage peut conduire à une mauvaise prise en charge des femmes victimes de fausses couches. 

Former les internes aux fausses couches

En première ligne : les internes, ces étudiants en troisième cycle, qui sont responsables de l’accueil aux urgences. Dans ce service, ils sont donc formés pour améliorer leurs pratiques, notamment grâce à un jeu de rôle où le médecin devient la patiente. 

"Les erreurs sont de ne pas prendre le temps avec la patiente, de minimiser la peine et de dire ça va aller, maintenant on passe à autre chose, au revoir madame, ne pas leur laisser du tout le temps d’exprimer les choses… De se retrouver à faire une annonce avec la patiente encore à moitié nue, la sonde d’échographie endovaginale encore dans le vagin. Ça peut être vécu très violemment", commente le Dr Marie-Charlotte Lamau. 

"Expulsion, aspiration"... des termes très violents

"Ce qui est dur, c’est d’écouter et de laisser du silence parce que la femme prend du temps à prendre conscience de la situation et nous parfois on a du mal à laisser du temps, du silence… ", commente Claire Brussieux, interne en gynécologie-obstétrique, hôpital Saint-Joseph.

Si le silence est primordial, la parole l’est tout autant. Face à une femme qui vient de faire une fausse couche, il faut bien réfléchir au choix des mots. 

"On a plein de terminologies autour de la fausse couche qui sont extrêmement violentes… Les termes expulsion, aspiration... sont des termes techniques mais sortis de leur contexte et pour des patientes qui ne sont pas dans la technicité, qui sont juste dans l'accueil de la nouvelle, ce sont des termes extrêmement violents",  commente le Dr Marie-Charlotte Lamau. 

"L'accompagnement psychologique est relégué au second plan"

Cette formation mise en place depuis un an pour les internes vient d’être étendue à tous les soignants des urgences gynécologiques. Une priorité pour le Pr Elie Azria, chef de service de la maternité à l'hôpital Saint-Joseph : " L’accompagnement psychologique est souvent encore relégué au second plan. C’est lié d’abord à des problématiques de formation. On forme les médecins très bien en France sur le plan du savoir-faire, sur le plan des connaissances médicales mais beaucoup moins en termes de savoir-être." 

Il y a aussi, selon lui, une deuxième composante : celle des ressources, confie le Pr Azria . "Pour pouvoir accompagner, il faut du temps, des moyens et du personnel, qui font aujourd'hui souvent défaut".

Dans la plupart des services de gynécologie-obstétrique des hôpitaux français, il n'y a qu'un seul médecin sénior de garde le soir et le week-end.