Du sport sur ordonnance... mais non remboursé par la Sécu

À partir du 1er mars, sur tout le territoire national, les patients atteints d’une affection de longue durée (ALD) pourront se faire prescrire, par leur médecin traitant, "une activité physique adaptée à [leur] pathologie, [à leurs] capacités physiques et [à leur] risque médical" - selon les mots du décret du 31 décembre 2016. Mais qui dit "ordonnance" ne dit pas nécessairement prise en charge financière.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec le Dr Nicolas Barizien, spécialiste de médecine physique et de réadaptation
Entretien avec le Dr Nicolas Barizien, spécialiste de médecine physique et de réadaptation

À partir du 1er mars, les patients sous ALD pourront demander à leur médecin de réaliser un bilan définissant quelle prise en charge sportive pourrait leur être bénéfique, et repartir avec une "ordonnance" résumant ce programme. La suite - qu'il s'agisse de dimension financière ou de la possibilité concrète d'être pris en charge par un professionnel - est une autre affaire…

Pour Jean-Marc Descotes, directeur et cofondateur, il y a dix-sept ans, de la CAMI Sport et Cancer (association qui développe des programmes d’activités physiques et sportives intégrés aux parcours de soin), le fait que la loi reste muette sur les questions financières est, pour son association, "une très grande désillusion". Selon lui, l’ambition du projet de loi "était que le sport soit reconnu comme une thérapeutique à part entière, et que soient donc précisées les conditions de son organisation comme son mode de remboursement", or le texte final "n’a pas grand chose de commun avec cette belle idée".

"Désormais, un patient en ALD peut voir son médecin et lui demander qu’il lui prescrive une séance d’activité physique et sportive. Si l’état du patient est stabilisé et s’il n’a pas de limitation fonctionnelle importante, que l’objectif est de limiter l’aggravation de sa maladie chronique (pour un diabétique, stabiliser son diabète, pour un patient en rémission de cancer, limiter les risques de rechute…), le médecin est sensé pouvoir définir quel type d’activité physique et sportive lui est adapté, et à quelle fréquence. Puis il oriente le patient vers un « professionnel de l’activité physique adaptée ». Que va-t-il se passer ensuite ? Dans les villes qui ont des structures bien organisées dans le domaine du sport santé, celles-ci financeront peut-être les programmes à hauteur de 20, 30, peut-être 70% - le reste restant à la charge du patient. Ailleurs, les frais resteront à sa charge… et s’il ne peut pas payer, il ne bénéficiera de rien."

"Le cas où le patient n’est pas stabilisé, ou d'une limitation fonctionnelle importante, est différent", explique Jean-Marc Descotes. "Le médecin doit l’orienter vers des kinésithérapeutes. Nous n’avons rien à dire sur le volet de la rééducation, car personne d’autre que les kinés n’ont une telle compétence. En revanche, un kiné n’est pas initialement formé pour les séances d’activité physique et sportive", aussi le programme proposé n’apportera-t-il pas les bénéfices propres au sport. Sans compter que tous les kinés n’auront pas les moyens matériels d’ouvrir des séances d’activité physique et sportive.

"Pas de nouvelle dynamique dans la prise en charge des patients"

"Le décret du 31 décembre 2016 est bâti pour satisfaire les fédérations sportives, les kinés, les médecins – qui restent au centre du dispositif en tant que prescripteur – mais il n’y a, dans les faits, aucune innovation thérapeutique, aucune nouvelle dynamique dans la prise en charge des patients."

Pour Jean-Marc Descotes, le décret passe en réalité "à côté d’une grande réalité" : le fait que "le sport santé a un rôle clef dans le cadre du soin". "Plus vous prenez les patients tôt dans le traitement, plus leurs risques (rechute, effets second) sont réduits. Il y a un effet thérapeutique propre au sport. Cette dimension, dont nous avons l’expérience en cancérologie, n’est pas présente dans le texte." Du fait de ses bénéfices propres, le sport santé entraîne des économies pour le système de santé, ce qui justifiait de son point de vue "une implication du régime obligatoire - pas à 100%, mais au moins à 30 ou 40%".