Pesticides : Greenpeace empoisonne sa com'

CARTON ROUGE – Presser des fruits achetés dans une enseigne emblématique de la grande distribution, embouteiller le jus, et apposer une étiquette "jus de pesticides". La communication se voulait astucieuse et frappante, elle s'avère aussi douteuse qu'explosive. Durant le week-end, une bouteille envoyée par coursier à la rédaction d'Allodocteurs.fr a explosé, abîmant un bureau et plusieurs semaines de travail d'un de nos journalistes.

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Pesticides : Greenpeace empoisonne sa com'

Il faut saluer Greenpeace et son agence de communication pour leur nouvelle campagne destinée à dénoncer la présence de résidus de produits phytosanitaires dans les fruits et les légumes.

Si notre coup de chapeau ne concerne pas le fond du message de Greenpeace, il faut tout de même en dire quelques mots. Car avec les progrès de l’analyse spectrochimique [1], on peut désormais détecter la plus infime trace de pesticide sur un concombre ou une tomate achetée sur un étal de supermarché (à des concentrations des milliers de fois inférieures aux seuils de toxicité avérés).

Bien sûr, ces produits ne sont pas lavés. Et, bien sûr, le fait de pouvoir détecter quelque chose avec cette technologie ne signifie pas qu’un quelconque effet biologique surviendrait en cas d’ingestion. Certes, objecte Greenpeace, mais il y a le spectre de "l’effet cocktail" : il existe des substances qui, à des doses non dangereuses isolément, ont un effet biologique délétère lorsqu’elles interagissent de concert avec l’organisme. Est-ce le cas des résidus détectables sur les choux et les fraises de chez Leclerc ? Agitant les incertitudes et les menaces de toutes les maladies du catalogue, Greenpeace laisse les destinataires de sa nouvelle campagne se faire une opinion "éclairée".

Légumes pressés et tête de mort

Mais s’il faut saluer Greenpeace, c’est pour l’inventivité et l’ingéniosité de son dispositif de communication à l’égard de la presse. Vendredi 24 juin, des coursiers ont livré aux rédactions parisiennes de petits sacs en papier kraft contenant des bouteilles contenant du "jus de pesticides", décorées d’une tête de mort et d’une mention : "ne pas consommer". En effet, affirmait un petit document joint, ces bouteilles contenaient du jus de fruits achetés dans des magasins de l’enseigne Leclerc. Or, affirme le service communication de Greenpeace, ces produits contiennent de dangereux résidus toxiques (voir le paragraphe précédent…).

À l’accueil du Magazine de la santé, une attachée de presse appelle bientôt pour alerter le responsable du courrier qu’il ne faut "surtout pas ouvrir les bouteilles", "car avec les changements de température, cela peut exploser au visage quand on l’ouvre". Soit, nous n’ouvrirons pas… De toutes les façons, il est tard, et la rédaction ferme. Nous laissons cela sur l’étagère derrière le bureau, et regarderons tout ça lundi.

Cocktail melon-tov ?

Lundi 27 juin, il flotte dans la rédaction d’Allodocteurs.fr une odeur nauséabonde, qui donne des haut-le-cœur. Sur le mur, une grande trace noire file en diagonale sur un mètre, comme si l’on avait fait exploser un ballon plein d’encre. L’étagère est couverte d’une croûte violacée, et les dossiers posés là – des études scientifiques annotées, représentant plusieurs semaines de travail – sont imbibés d’une substance sombre, visqueuse et malodorante. Le siège du journaliste est couvert de taches et, sur le bureau, d’autres dossiers sont couverts de l’étrange matière.

Le sac de papier kraft livré le vendredi est toujours là, mais vide. Le cadeau de Greenpeace était explosif (à retardement, et sans intervention humaine). Laissé deux jours dans un bureau, à l’abri du soleil et de la lumière, on imagine difficilement un simple jus de légumes (même non lavés) fermenter si vite et de façon si explosive. L’attachée de presse de Greenpeace nous l’assure, ils n’ont rien rajouté dedans… Même pas quelques cuillérées de produits phytosanitaires supplémentaires, pour qu’ils soient détectables en cas d’analyse par un journaliste scrupuleux ? "Non, non, rien…" Pourtant, si je me souviens bien de mes cours de chimie, "tomate + concombre, ça n’a jamais fait une bombe". À moins que la pasteurisation soit inconnue chez Greenpeace ? L’interlocutrice bredouille.

Dans d'autres rédactions, des journalistes nous ont confirmé qu'une mésaventure similaire leur est arrivée (voir tweets ci-dessous). Qui va rembourser les dégâts ? "Envoyez-nous la facture…", lâche, dépitée, l'attachée de presse. Et pour les semaines d’enquêtes noircies de jus noirâtre ? Une idée géniale ?

 


[1] Ces tests sont désormais suffisamment sensibles pour détecter des traces d'ARN viral sur les pages d'un livre de bibliothèque...