Fongicides : les scientifiques donnent l’alerte

Des chercheurs dénoncent aujourd'hui l'utilisation de certains fongicides comme un "nouveau danger dans nos assiettes".

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec Paule Bénit, ingénieur de recherche à l'Inserm
Entretien avec Paule Bénit, ingénieur de recherche à l'Inserm

Autorisés en Europe depuis les années 2000 et fabriqués par de grands industriels, les fongicides servent à éliminer les champignons et les moisissures qui se développent dans les culture. Passant dans notre chaîne alimentaire, ces fongicides pourraient s’avérer toxiques pour l’homme. Dans une tribune parue le 16 avril dans Libération, des chercheurs et médecins appellent à suspendre leur utilisation.

Une des signataires Paule Bénit, ingénieure de recherches en biologie cellulaire et biochimie à l’Inserm a répondu aux questions du Magazine de la Santé.

  • Quels sont ces produits et leurs effets ?

Paule Bénit, ingénieure de recherches en biologie cellulaire et biochimie, Inserm : "Ces produits sont des « SDHI » pour inhibiteurs de la succinate déshydrogénase. En France, ils sont largement utilisés dans l’agriculture (blé, orge et certains fruits) comme fongicide pour éliminer les champignons dans les cultures. Le principe est simple : ils empêchent les cellules de respirer en bloquant la chaine respiratoire. C’est ainsi que le champignon est tué. Mais les cellules de tous les être vivants respirent, c’est le cas dans les plantes, chez les insectes ou même chez l’homme."

  • Concrètement, quels sont les effets toxiques pour la santé chez l’homme ? Quelles pathologies pourraient-ils engendrer ?

Paule Bénit, ingénieure de recherches en biologie cellulaire et biochimie, Inserm : "Dans notre laboratoire, nous connaissons depuis 1995 les pathologies qui sont liées à un blocage de cette enzyme SDH (succinate déshydrogénase). Chez l’enfant, le blocage de cette enzyme produit des atteintes gravissimes comme des encéphalopathies sévères, avec des atteintes du système nerveux central. En 2000, une équipe de l’hôpital européen Georges Pompidou a identifié la formation de tumeurs de l’intestin et des reins."

  • Dans cette tribune, vous appelez à suspendre leur utilisation. Les autorités sanitaires ont-elles été alertées ?

Paule Bénit : "C’est en faisant des recherches pour des articles scientifiques que nous avons découvert un peu par hasard l’existence de ces SDHI qui bloquent l’enzyme humaine. Nous les avons testés en laboratoire, et on sait depuis longtemps que ça peut être extrêmement dangereux. De ce fait, nous appelons dans cette tribune à suspendre l’utilisation de ces produits utilisés dans l’agriculture. Nous avons déjà eu quelques contacts avec l’ANSES (l’Agence Nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Tout reste encore à faire. Le danger est connu, il est sûr, il faut maintenant réévaluer rapidement les risques avec des études de toxicologie indépendantes."