Animaux : faire illusion pour séduire

Quand on cherche à séduire, rien de surprenant à vouloir se montrer sous ses plus beaux atours. Mais certains animaux vont beaucoup plus loin, ils se servent d'artifices et de ruses.

Farah Kesri
Rédigé le

A priori, le crabe violoniste et le manakin filifère n'ont rien en commun. Pourtant, ce sont tous les deux des tricheurs. Les mâles de ces deux espèces se servent de l'environnement pour créer un artifice visuel et attirer les femelles.

Le manakin par exemple, est un oiseau d'Amérique du Sud aux couleurs chatoyantes. Il devrait se placer au soleil pour mettre son plumage en valeur mais il ne le fait pas. Il choisit d'être dans des zones ombragées en raison de la loi du contraste simultané des couleurs, énoncée par le chimiste Michel-Eugène Chevreul en 1839. Le cerveau des oiseaux et celui des humains ont la même perception des contrastes. Si un manakin est en concurrence avec un autre mâle, il a tout intérêt à se placer dans un endroit plus sombre pour apparaître plus lumineux et plus coloré.

Des espèces animales illusionnistes

La pince du crabe violoniste, elle, peut mesurer jusqu'à dix centimètres alors que l'autre pince ne mesure que deux centimètres. Pour attirer une femelle, il doit l'agiter dans tous les sens. Problème, la concurrence est rude. Et du point de vue de la taille, certains crabes sont mieux pourvus que d'autres. Alors pour avoir une chance d'attirer l'attention d'une femelle, un crabe qui a une pince de taille moyenne fait en sorte de s'entourer de plusieurs mâles aux pinces petites. C'est le principe de l'illusion d'Ebbinghaus. Un mâle peut ainsi faire croire que sa pince est plus impressionnante qu'en réalité. En échange, il protège les petits crabes en repoussant les intrus.

Le roi du trompe-l'oeil reste un oiseau : le jardinier à nuque rose. Il est le sujet de recherche de deux scientifiques australiens Laura Kelley et John Endler. Ils ont suivi 19 jardiniers à nuque rose. Comme tous les oiseaux jardiniers, cet oiseau construit un berceau nuptial pour attirer sa belle. Il s'agit d'une allée centrale avec deux cours décorées de plus de 5.000 objets blanc et gris (coquillages, os etc.). Avec une différence pour la cour avant. Les objets sont disposés selon un gradient : d'abord les plus petits puis de plus gros (de sorte que la taille des objets augmente progressivement à mesure qu'on se déplace vers le fond de la cour). Les chercheurs ont réalisé un test. Ils ont inversé le gradient, en mettant les objets les plus gros d'abord. L'oiseau s'en est rendu compte et il a mis trois jours à tout remettre en place. Le gradient n'est pas dû au hasard.

La femelle doit entrer dans le tunnel formé par le berceau. C'est vers cette cour qu'elle est obligée de regarder puisque son champ visuel est réduit par le tunnel. Normalement, les objets les plus lointains paraissent plus petits. En créant ce gradient de taille, il crée une perspective forcée. En se plaçant à bonne distance sur cette scène rétrécie, le mâle jardinier paraît à la femelle, plus grand, plus beau, il crève l'écran et devient irrésistible par un effet d'optique. Le but : la duper quelques instants afin de s'accoupler. Ces oiseaux ne forment pas de couple.

Les femelles trichent aussi

La moule d'eau douce est un mollusque bivalve non sexué dont le diamètre peut atteindre de 20 à 25 cm. La femelle triche pour la bonne cause. Pour protéger ses petits, elle doit duper un poisson (bar, truite ou saumon). Elle cache dans sa coquille un leurre, une imitation des petits poissons qui l'entourent, les proies favorites du bar. Il se laisse duper et quand il attaque la moule, elle expulse ses petits à la face du bar. Les petits s'accrochent aux branchies du poisson et se nourrissent des nutriments contenus dans son sang. Quand ils ont suffisamment grossi, ils se laissent tomber dans le fond de la rivière. Une duperie sans dommage pour le poisson nourricier.