Baclofène : la fin d'une controverse ?

Indiqué pour réduire la consommation d'alcool et présenté comme la pilule miracle, le baclofène a été limité dans son dosage puis enfin réhabilité. Retour sur les derniers rebondissements de la "saga" baclofène.

Alexandra Combe
Rédigé le
Baclofène : la fin d'une controverse
Baclofène : la fin d'une controverse  —  Le Mag de la Santé - France 5

C'est à l'âge de 12 ans que Samuel Blaise goûte à l'alcool pour la première fois. Au fil des années, il tombe insidieusement dans la dépendance jusqu'à une perte de contrôle totale et une consommation qui met sa santé en danger.  

"Tous les jours vers 18 h, je me précipitais dans n'importe quel bar à proximité pour immédiatement ingurgiter des bières d'abbaye, du vin... jusqu'à m'effondrer comme une loque", explique Samuel, 52 ans.

"Plus l'envie, ni le goût, ni le dégoût"

À 40 ans, il prend conscience qu'il doit se soigner. Si aujourd'hui, il ne boit plus une goutte d'alcool, c'est grâce selon lui, à un médicament, le baclofène, qui a supprimé ses envies irrépressibles de boire. 

"Je ne consomme plus d'alcool parce que je n'en ai plus l'envie, ni le goût, ni le dégoût d'ailleurs, c'est ce qu'on appelle l'indifférence" commente aujourd'hui Samuel. "Si vous me présentez un verre de vin ou de bière, c'est comme si vous me présentiez un pot de fleurs sur une table, je n'ai pas plus d'émotion que ça".

Le baclofène est un médicament prescrit depuis les années 70 à l'origine comme relaxant musculaire, mais dont l'usage a été détourné pour traiter l'alcoolodépendance.

C'est avec l'aide de son médecin généraliste, le Pr Philippe Jaury, que Samuel a trouvé la bonne dose de ce médicament pour arriver à un état d'indifférence vis-à-vis de l'alcool.

Une dose différente pour chaque patient

"Il faut un suivi régulier au début, en tout cas assez serré, car on ne connaît pas la dose efficace et pour chaque patient, c'est différent" note le Pr Philippe Jaury, médecin généraliste. "Quand on a une angine, on prend un antibiotique, un comprimé le matin, un le soir, il n'y a pas de problème. Là, chaque cas est différent, il y en a chez qui 30 mg ça va être suffisant, d'autres, chez qui il faudra 300 mg, d'autres une prise d'autres plusieurs donc c'est vraiment à la carte", précise-t-il.

Aujourd'hui, Samuel est à 100 mg de baclofène par jour, mais il a pris jusqu'à plus de 340mg/jour. À forte dose, le médicament peut provoquer des effets indésirables importants, comme des insomnies, des décharges électriques ou encore des acouphènes.

Depuis 2017, la dose limite était fixée à 80 mg/jour. Or, un collectif de patients jugeait cette dose maximale trop faible. Après cinq ans de bataille procédurale, ils ont finalement obtenu gain de cause par la justice. Et l'agence du médicament a dû revoir sa copie : aujourd'hui il n'y a pas plus de limitation dans la prescription du Baclofène. Dans ses recommandations, l'ANSM suggère de ne pas dépasser 300 mg/j, car au-delà, il n'y a "aucune donnée d’efficacité et de sécurité".

Mieux rembourser le baclofène

Pour Thomas Maës-Martin, président du collectif Baclohelp, c'est une première avancée. Mais depuis juillet 2022, les associations ont un nouveau cheval de bataille : un meilleur remboursement du traitement. 

"Vous avez dans les deux-tiers des cas, des patients complètement isolés qui vivent avec des minimas sociaux à 500, 600 ou 700 euros par mois, donc leur demander de payer 60 euros pour se soigner et se sortir d'une addiction, c'est moralement indigne"
relève Thomas Maës-Martin. "On souhaite que le traitement soit prise en charge, en tout cas qu'il y ait au moins pour les personnes qui n'en ont pas les moyens, une possibilité d'être pris en charge", insiste-t-il.

Il n'existe à ce jour que très peu de molécules pour traiter la dépendance à l'alcool. Chaque année, l'alcool serait responsable de près de 41 000 décès en France.