Philadelphie, première grande ville américaine à taxer les sodas

Philadelphie est devenue le 16 juin 2016 la première grande ville américaine à voter une taxe sur les sodas et boissons sucrées. La taxe sera de 0,51 dollar (0,45 euro) par litre de soda et autres boissons sucrées, y compris celles basses en calories, à l'exception de celles composées d'au moins 50% de lait ou de fruits frais. Le maire de la ville a dû faire face aux lobbies de l'industrie du soda qui comptent bien saisir la justice.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Philadelphie, première grande ville américaine à taxer les sodas

La mesure a été adoptée par treize voix à quatre par le conseil municipal. Elle concerne tous les revendeurs, commerces et restaurants, et prendra effet en janvier 2017.

Ce texte avait suscité un intense débat dans cette ville de 1,5 million d'habitants, la cinquième plus grande des Etats-Unis, où plus de 68% des adultes et 41% des enfants sont en surpoids ou obèses. Philadelphie, où 26,7% de la population vit en-dessous du seuil de pauvreté, est aussi parmi les grandes villes américaines celle qui compte le plus fort taux de problèmes d'hypertension et de maladies cardiovasculaires. 

L'idée d'une telle taxe y avait été rejetée deux fois dans le passé. Mais le nouveau maire démocrate Jim Kenney, qui a pris ses fonctions en janvier, avait choisi de ne pas se positionner sur le terrain de la santé. Il a préféré expliquer que les 91 millions de dollars annuels attendus de cette taxe seraient principalement utilisés pour offrir des milliers de places supplémentaires dans les écoles maternelles et financer les centres de loisirs et aires de jeux"C'est une grande victoire", a-t-il écrit sur Twitter après le vote. 

Les lobbies font bloc contre cette taxe

Le débat avant ce scrutin avait été très animé, plusieurs intervenants s'indignant du coût de cette taxe sur les familles les plus modestes. Les opposants à cette nouvelle réglementation ont aussi insisté sur son impact "catastrophique" pour les petits commerces, estimant que certains seraient condamnés à fermer si leurs clients décidaient d'aller s'approvisionner en dehors de la ville. 

Un employé de Coca-Cola, Chris Hunter, a prédit "le pire marché noir de boissons non alcoolisées depuis la prohibition" dans les années 1920 et 30. Un cardiologue, Ken Margulies, a à l'inverse salué le courage d'élus "à l'avant-garde", affirmant que la mesure aiderait à faire diminuer diabète, maladies cardiaques et obésité.

Face au lobby des sodas, une seule ville avait auparavant imposé une taxe sur ces boissons aux Etats-Unis, Berkeley (Californie, 120.000 habitants), à hauteur de 38 cents/litre en novembre 2014. 

Une quarantaine de propositions similaires dans d'autres villes ont été rejetées ces dernières années, et le vote de Philadelphie était particulièrement suivi, notamment à San Francisco, Boulder (Colorado) ou Oakland (Californie) qui espèrent passer une mesure similaire cette année. En 2013, le maire de New York de l'époque, Michael Bloomberg, avait en vain tenté d'imposer une limitation de la taille des sodas individuels. La justice lui avait donné tort.

Le lobby des sodas avait dépensé plusieurs millions de dollars à Philadelphie. Après le vote, l'American Beverage Association, dont font partie Coca-Cola et Pepsi-Cola, a dénoncé une "taxe régressive qui singularise de manière injuste les boissons" et promis de "saisir la justice pour l'arrêter".

Depuis vingt ans, la consommation de sodas et autres boissons sucrées a baissé de 25% aux Etats-Unis, alors qu'augmentait la consommation d'eau. À Philadelphie, la ville a interdit les boissons sucrées dans les écoles et mené une vaste campagne de sensibilisation. Le pourcentage d'adultes obèses a continué à augmenter, mais celui des enfants a commencé à décliner ces dernières années.