Mourir chez soi : un souhait pour 80% des Français, une volonté peu respectée

Alors que 80% des Français souhaiteraient passer leurs derniers instants dans un lieu familier, seulement 25,5% des décès surviennent à domicile. Pourquoi un tel écart entre les souhaits de la population et la réalité des faits ? Dans son rapport rendu public le 18 mars 2013, entièrement consacré à la question de la fin de vie à domicile, l'Observatoire national de la fin de vie tente d'en expliquer les raisons.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec le Pr Régis Aubry, président de l'Observatoire national de la fin de vie
Entretien avec le Pr Régis Aubry, président de l'Observatoire national de la fin de vie

"Finir sa vie chez soi" n'implique pas forcément de "mourir chez soi"

Selon un récent sondage, 81% des Français déclarent vouloir "passer leurs derniers instants chez eux" (Ifop, 2010), la fin de vie à domicile est donc un souhait largement partagé. Mais ce souhait ne signifie pas "mourir chez soi". Ainsi au cours de mois qui précède le décès, la proportion des personnes hospitalisées passe du simple au double. Ces transferts à l'hôpital sont destinés à soulager la douleur ou à traiter un épisode aigu.

Sans un entourage solide, difficile d'envisager une fin de vie à domicile

Le maintien à domicile ne peut se faire que si l'entourage est présent et disponible. La place des aidants familiaux prend ici tout son sens. Mais les aidants ont aussi besoin d'aide. Le maintien à domicile implique en effet une attention et une présence de tous les instants. La nuit et le week-end, les aidants peuvent ressentir un sentiment d'insécurité difficile à vivre. L'Observatoire pointe ici un manque de soutien aux proches à domicile. Le transfert du patient à l'hôpital étant souvent la conséquence de l'épuisement de l'entourage.

Redonner aux médecins généralistes une "juste place"

"Si le médecin occupe une place privilégiée, l'accompagnement de la fin de vie est une mission souvent difficile à assumer pour lui : les situations de fin de vie demandent beaucoup de temps et supposent une disponibilité qui n'est pas compatible avec le rythme des consultations en cabinet. En outre, une part importante des médecins généralistes déclare un isolement et une solitude face à ces situations. Attendre du médecin traitant qu'il organise et coordonne tout seul les soins de fin de vie à domicile est irréaliste dans une immense majorité des situations : une prise en charge aussi complexe ne peut pas graviter seulement autour du médecin généraliste", explique l'Observatoire dans son rapport.

Une situation renforcée par un défaut de formation et un manque de motivation des plus jeunes. En effet, "si les compétences des médecins généralistes en matière de prise en charge de la douleur ont considérablement progressé, seuls 2,5% d'entre eux ont été formés aux soins palliatifs". Or le maintien à domicile ne peut se faire sans "un véritable effort de formation", souligne le rapport.

Et adapter l'hôpital aux enjeux du domicile

Le système de l'hospitalisation à domicile (HAD) doit être renforcé pour le maintien à domicile des patients en fin de vie. Son rôle de coordination et d'expertise en font "une ressource essentielle pour les médecins traitants". Toutefois, "l'HAD ne concerne que les patients nécessitant des soins lourds et continus", note le rapport.

Les services de soins infirmiers à domicile ont aussi leurs limites quand l'état de santé du patient s'aggrave, mais qu'il ne peut être pris en charge par l'HAD. Les relais entre les services de soins infirmiers à domicile et les services d'HAD devraient être plus faciles à mettre en oeuvre. De même, dans l'intérêt des patients, le rapport préconise une "convention-type" entre les infirmières libérales et les structures d'HAD, pour une meilleure complémentarité entre ces deux services.

Enfin, les hôpitaux sont un véritable "vivier d'expertise", une ressource que le rapport juge mal utilisée à la fois par les acteurs du domicile et par ceux de l'hôpital, "faute d'anticipation et de communication". L'Observatoire estime par exemple urgent de mettre en place un dossier médical partagé, s'étonnant qu'"au XXe siècle, nous ne sommes toujours pas capables de communiquer facilement les informations contenues dans le dossier d'un patient..."

Sans proposer de solution miracle, l'Observatoire national de la fin de vie estime que le développement des soins palliatifs à domicile doit devenir l'une des priorités du gouvernement.

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