Mort : les preuves du décès

Une des grandes angoisses des médecins et des urgentistes est d'établir un constat de décès par erreur. Ce fait rarissime est arrivé à une femme de 87 ans déclarée morte, le 8 juin 2012, par le médecin urgentiste qui s'était rendu à son chevet à Rueil-Malmaison et qui s'est réveillée au funérarium un peu plus tard. Comment est-ce possible ? Les explications avec le Dr Gérald Kierzek, urgentiste.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le

- Chronique du Dr Gérald Kierzek, urgentiste, du 13 juin 2012 -


  • Comment est établi le constat de décès ?

Dr Gérald Kierzek : "Le constat du décès doit être fait par un médecin, urgentiste ou non, qui se base sur des critères cliniques. Ces signes sont l'absence de respiration et de pouls, le refroidissement du corps, la rigidité du corps... On vérifie l'absence de battements cardiaques au stéthoscope.

"On peut aussi s'aider par un électrocardiogramme, c'est-à-dire un enregistrement du coeur qui sera plat, mais il n'y a pas de définition précise de la mort. C'est une appréciation clinique sur le simple examen externe et l'électrocardiogramme n'a rien d'obligatoire. Par exemple, le médecin généraliste appelé au chevet n'a pas forcément d'électrocardiogramme et peut très bien constater le décès avec certitude."

  • Au bout de combien de temps peut-on dire que la personne est décédée ? Y a-t-il une durée minimale avant de se prononcer ?

Dr Gérald Kierzek : "Non, il n'y a pas de durée minimale. Le médecin constate selon la formule consacrée que nous marquons dans les dossiers médicaux que "la mort paraît réelle et constante" ! Mais pas de critère de durée précise.

"En revanche, on sait qu'il y a des circonstances dont on doit se méfier. C'est le cas de l'hypothermie. En cas de température corporelle très basse (par exemple chez une personne noyée ou retrouvée en hypothermie), le décès ne doit pas être prononcé avant que le corps ne soit réchauffé à température ambiante (et donc la réanimation doit être poursuivie). L'hypothermie majeure ralentit en effet toutes les fonctions vitales, et c'est un des rares cas où la mort peut être réversible.

"Il en est de même pour les patients ayant pris, par exemple dans le cadre d'une tentative de suicide, des médicaments qui vont les plonger dans un coma profond avec un arrêt ventilatoire (arrêt de la respiration) et provoquer un ralentissement extrême du coeur. Mais dans l'immense majorité des cas, il n'y a pas de doute quand le médecin remplit le certificat de décès."

  • Que doit vérifier le médecin une fois le décès constaté ?

Dr Gérald Kierzek : "Une fois le décès constaté, le médecin remplit le certificat de décès qui est le document officiel à adresser à l'officier de l'état civil à la mairie du domicile du défunt, dans les 24 heures qui suivent le décès et qui permet d'obtenir le permis d'inhumer. Ce certificat se compose de deux parties :

- une partie supérieure pour l'officier de l'état civil, nominative, en triple exemplaire qui est destinée à la mairie de la chambre funéraire, la chambre funéraire et la mairie du lieu de décès ;
- une partie inférieure pour le médecin de la DDASS avec les causes de la mort, anonyme (informations par la suite transmises à des fins statistiques).

Plusieurs informations sont demandées au médecin :

- obstacle médico-légal en cas de mort violente (suicide ou décès suspect paraissant avoir sa source dans une infraction. Le corps est alors à la disposition de la justice) ;
- obligation de mise en bière immédiate, dans un cercueil hermétique, dans un cercueil simple (notamment en cas de risque infectieux) ;
- obstacle au don du corps, prélèvement en vue de rechercher la cause du décès ;
- présence de prothèse fonctionnant au moyen d'une pile (risque d'explosion en cas d'incinération).

"En fonction de tous ces renseignements, le permis d'inhumer va être autorisé et les obsèques vont pouvoir avoir lieu."

  • Parfois les familles ont l'impression que le corps bouge même après le décès. De quoi s'agit-il ?

Dr Gérald Kierzek : "Ces "mouvements" sont très perturbants pour les familles, mais aussi pour les équipes soignantes ou le médecin. Il s'agit en fait de phénomènes réflexes qui n'ont rien à voir avec un réveil ou le fait de ressusciter. Les poumons peuvent se vider passivement de l'air qu'ils contiennent. La mâchoire peut s'ouvrir ou encore les yeux par relâchement musculaire complet vont donner l'impression de s'ouvrir. Généralement le médecin avertit la famille, et les équipes des pompes funèbres ont l'habitude de ce genre de manifestations.

"Enfin, il existe des délais légaux avant l'inhumation qui ne peut avoir lieu avant 24 heures et au plus tard 6 jours après le décès."