Mediator : l'Etat jugé coupable de n'avoir pas réagi à temps

Le tribunal administratif de Paris a jugé l'Etat responsable dans l'affaire du Mediator, pour avoir retiré trop tardivement le médicament du marché. 

La rédaction d'Allo Docteurs
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Mediator : l'Etat jugé coupable de n'avoir pas réagi à temps

"C'est la première fois à ma connaissance que la responsabilité de l'Etat est reconnue" par un tribunal administratif dans l'affaire du Mediator, a déclaré à l'AFP Maitre Charles Joseph-Oudin, avocat des victimes du Mediator devant d'autres juridictions, peu après l'annonce du jugement rendu public mercredi 9 juillet 2014.

10 ans d'attentisme condamnés

Le tribunal administratif de Paris, qui a rendu son verdict le 3 juillet 2014, avait été saisi en 2013 par une plaignante se déclarant victime du Mediator. A l"issue de l'enquête, la cour de justice a donc déclaré l'Etat responsable des fautes commises par l'Afssaps, devenu ANSM. Il est ainsi reproché à l'agence du médicament d'avoir attendu 2009 pour retiré l'autorisation de mise sur le marché du Mediator, alors que dès 1999 les dangers du benfluorex, principe actif du Mediator, étaient suffisamment caractérisés.

Si le tribunal condamne l'Etat pour son attentisme face à un scandale sanitaire annoncé, il considère en revanche que les agissements du laboratoire Servier, fabricant du Mediator, ne sont pas imputables à l'Etat. Ce dernier pourra d'ailleurs, s'il l'estime fondé, se retourner contre Servier, précise le tribunal.

50.000 euros réclamés par la plaignante

La patiente qui poursuit l'Etat affirme avoir été "exposée de 2001 à 2009 au Mediator en traitement d'un diabète". A l'époque, le Mediator était en effet prescrit comme adjuvant d'un régime adapté chez les diabétiques avec surcharge pondérale. La plaignante souffre depuis "d'essoufflement rapide à la marche et d'oedèmes des jambes". Durant le procès, celle-ci a déclaré avoir eu un diagnostic en décembre 2010 de "fuite aortique minime", un trouble touchant la valve aortique qui ne se referme pas de manière étanche, et d'"hypertension artérielle pulmonaire modérée". Deux effets secondaires graves qui font partie de la liste des atteintes habituellement imputées au Mediator.

Le tribunal de Paris a donc ordonné une expertise médicale afin de déterminer si les affections dont elle est atteinte sont bien liées à l'absorption du Mediator et pour évaluer les préjudices subis. La plaignante, qui avait vu ses demandes d'indemnisation préalables rejetées par le ministère de la Santé et par l'ANSM s'était tournée vers le tribunal administratif de Paris, en 2013. Elle avait alors demandé au tribunal de condamner solidairement l'Etat et l'ANSM à lui verser une indemnisation de 50.000 euros.

Plusieurs procès à l'horizon

Prescrit initialement contre l'excès de graisses dans le sang, puis comme adjuvant au régime des diabétiques, mais aussi détourné dans son usage comme coupe-faim, le Mediator aura été commercialisé 30 ans. Cinq millions de Français auront eu recours à ce médicament qui pourrait être responsable à long terme de 2.100 décès, selon une expertise judiciaire.

Ce jugement pourrait faire jurisprudence dans les futurs procès du Mediator. Le tribunal administratif de Paris n'est en effet pas la seule juridiction actuellement saisie dans ce scandale sanitaire. Deux procédures pénales distinctes sont également en cours à Paris et à Nanterre. Elles pourraient être regroupées en un "grand" procès, qui se tiendrait en 2015. Le collège d'experts indépendants, qui instruit les demandes d'indemnisation des victimes, a rendu pour l'heure 544 avis positifs après examen de 2.296 dossiers, sur un total de 8.500 demandes. Autant de victimes à qui l'Etat devra peut-être bientôt rendre des comptes.

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