Le mystère de la peste noire pas tout à fait éclairci

Des chercheurs ont séquencé presqu'entièrement le génome de la bactérie qui serait responsable de la Grande Peste qui a sévi en Europe de 1347 à 1352. La bactérie serait quasiment la même que celle qui provoque aujourd'hui la peste bubonique.

La rédaction d'Allo Docteurs
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Rédigé le , mis à jour le
Le mystère de la peste noire pas tout à fait éclairci

Il semblerait que le portrait du responsable de la plus grande catastrophe sanitaire européenne qui a réduit la population d'un tiers ait été mieux cerné. C'est en étudiant une centaine de restes osseux provenant du cimetière londonien de East Smithfield où étaient regroupées les personnes mortes de la peste noire pendant ncette période qu'une équipe de chercheurs a pu reconstituer une grande partie de l'ADN de Yersinia pestis. Leurs conclusions ont été publiées en ligne dans Nature.

Il y a actuellement deux théories pour expliquer l'épidémie survenue au Moyen-âge. La plus communément admise et étayée postule que le responsable est une variante de la bactérie Yersinia pestis, qui provoque aujourd'hui la peste bubonique et dont les symptômes sont similaires à la peste noire. L'autre théorie qui tend à s'effacer face à la première, considère qu'il s'agirait plutôt d'un virus hémorragique du même genre qu'Ebola.

En séquençant le génome issu des fouilles archéologiques, les scientifiques ont découvert que la bactérie médiévale était très peu différente de la souche actuelle. Pour le Pr. Elisabeth Carniel, directrice de l'unité Yersinia de l'Institut Pasteur et interrogée par Bonjour-docteur, cette découverte n'est pas une nouveauté. En effet, la souche retrouvée et mise au jour à East Smithfield avait déjà été identifiée par d'autres méthodes. De plus, les génomes d'une souche plus ancienne "généalogiquement" mais toujours existante et d'une autre plus jeune présentaient déjà une grande similarité. Celle du cimetière londonien se trouvant entre les deux, cela ne fait donc que confirmer que la bactérie est très peu polymorphe. Mais là où se situe la réelle avancée est que c'est la plus grande séquence d'ADN de la souche jamais reconstituée. Cette prouesse technologique constitue un progrès important dans la voie de la compréhension de cet agent pathogène voire d'autres.

Selon les auteurs de la publication les légères mutations subies par Yersinia pestis n'expliqueraient pas une telle différence de pathogénicité et de vitesse de propagation entre la peste bubonique contemporaine et la version médiévale (dont on estime qu'elle a provoqué jusqu'à 30 millions de morts en cinq ans). Les causes seraient donc à chercher dans le contexte de l'époque. En ligne de mire figurent la nouveauté de la maladie chez les populations européennes, leurs conditions de vie ou encore une association avec d'autres agents pathogènes, rendant la maladie plus mortelle. Si le Pr. Carniel est d'accord avec le rôle majeur des facteurs socio-économiques dans la sévérité de la peste noire (et particulièrement l'existence de nos jours d'un traitement qui permet de limiter la propagation de la maladie, ce qui n'était pas le cas au XIVème siècle), elle considère comme hâtif les conclusions tirées par les chercheurs à partir du génotype de la bactérie. Selon elle, le changement d'un seul nucléotide pourrait théoriquement modifier Yersinia pestis de manière plus virulente. Exclure les causes génétiques à propos des différences constatées de la maladie est donc prématuré car le génome séquencé, aussi avancé soit-il, demeure incomplet.

Au Moyen-âge la peste avait été introduite en Europe par des rats infectés se trouvant sur des navires revenant d'Asie et par voie terrestre à travers la Route de la Soie.

Source : New Scientist

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