Greffe de rein : la fin des anti-rejets ?

Grâce à une greffe de moelle osseuse réalisée avant la greffe de rein, huit patients testent la vie de greffés sans traitement anti-rejet.

Cécile Guéry-Riquier
Rédigé le , mis à jour le

- Entretien avec le Pr. Christophe Legendre, chef du service nephrologie-transplantation à l'hôpital Necker-Enfants malades, invité dans le Magazine de la santé du 15 mars 2012 -

 

Après l’opération chirurgicale, le parcours du combattant des greffés du rein est loin d'être terminé. Même s'il est plus facile de prendre des médicaments tous les jours que de devoir se dialyser plusieurs fois par semaine, tous les greffés témoignent de la lourdeur du traitement anti-rejet. Sans parler des nombreux risques qu’entrainent ce type de médicaments : infections, cancers et maladies cardio-vasculaires.

Une équipe de chercheurs américains de l'Institut de thérapie cellulaire du Kentucky a peut être trouvé une solution révolutionnaire pour éviter aux greffés de prendre ce traitement à vie : une double greffe de moelle osseuse et de rein.

Double greffe de moelle osseuse et de rein

Huit patients viennent d'expérimenter cette technique, encore au stade de recherche, qui pourrait révolutionner les transplantations d'organes : leur système immunitaire a été préparé par une greffe de moelle osseuse de leur donneur. Les reins des mêmes donneurs ont ensuite été greffés.

Pour éviter que les cellules de la moelle de leur donneur attaquent leur système immunitaire, mécanisme connu appelé GVHD, les chercheurs ont mis au point un protocole particulier. Séances de chimio, radiothérapie, injections de cellules souches du sang du donneur et de mystérieuses cellules facilitantes dont la nature exacte est encore tenue. Il ne s’agissait pas d'un traitement dit myéloablatif, utilisé habituellement pour la greffe totale de moelle osseuse, traitement particulièrement lourd qui détruit la totalité de la moelle du receveur.

Les chercheurs ont réussi ici à créer ce qu'on appelle un chimérisme, c'est-à-dire la coexistance de cellules du donneur et du receveur au sein de la moelle osseuse.

Des résultats impressionnants

Aucun cas de rejet n'a été relevé chez les huit patients de l'essai, qui n'avaient, la plupart du temps, aucun lien de parenté avec les donneurs. Et parmi eux, cinq ont toléré le rein qu'on leur a transplanté en stoppant leur traitement immunosuppresseur sur des durées allant de 4 à 18 mois.

"Dans ce domaine où les succès sont très rares, cette technique pourrait peut-être révolutionner notre approche de la transplantation", se félicite le Pr. Christophe Legendre, chef de service de néphrologie-transplantation à l'hôpital Necker. "Il y a encore des incertitudes car le recul est encore peu important, on ne sait pas bien ce que sont ces cellules falicitantes, mais d'ores et déjà il y a des résultats intéressants : comme l'institution d'un chimerisme durable sans détruire la moelle osseuse, entre autres."

En revanche, passer du rein aux autres organes vitaux ne sera pas simple. Il faudra adapter les procédures à des donneurs morts et à la grande vulnérabilité des receveurs avant et après l'opération. L'administration des traitements prévus par les médecins américains pourraient vite se révéler fatales pour les personnes atteintes de pathologies qui nécessitent ces greffes, qu'elles soient de foie, de cœur ou de poumons.

Mais ce serait une révolution pour les greffés du rein, et des malades souffrant de certaines leucémies.

Etude de référence : "Chimerism and Tolerance Without GVHD or Engraftment Syndrome in HLA-Mismatched Combined Kidney and Hematopoietic Stem Cell Transplantation", Sci Transl Med 7 March 2012:Vol. 4, Issue 124, p. 124ra28

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