Des milliers de médecins battent le pavé contre le projet de loi santé

"Tous unis pour la santé de demain" : derrière ce slogan, entre 19.000 et 50.000 blouses blanches, en colère contre divers volets du projet de loi santé, ont défilé ce 15 mars dans les rues de Paris. Une délégation a été reçue par la ministre, Marisol Touraine, dont certains professionnels demandent le départ du gouvernement. La ministre a déclaré que la loi santé "ne se ferait pas sans les médecins" et affirmé sa "volonté de dialogue".

La rédaction d'Allo Docteurs
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Des milliers de médecins battent le pavé contre le projet de loi santé (crédit : Florian Gouthière)
Des milliers de médecins battent le pavé contre le projet de loi santé (crédit : Florian Gouthière)

Les professionnels de la santé, médecins, internes, infirmiers libéraux, dentistes, espéraient dépasser le cap des 20.000 manifestants pour modifier, voire supprimer le texte de loi qui doit débuter son parcours parlementaire ce 17 mars.

Les manifestants proclamaient "leur refus de ce projet de loi qui remet en cause les valeurs les plus essentielles de nos métiers : la liberté, l'égalité et la santé". Un message que des représentants syndicaux de médecins et d'internes ont directement transmis à la ministre, qui les recevait en fin d'après-midi.

Une partie des manifestants, partis de Denfert-Rochereau (XIVe) en début d'après-midi réclamait le retrait du texte, voire la démission de la ministre. D'autres plaidaient pour une réécriture du projet de loi. Tous les présents dénonçaient un manque de concertation.

Jeunes médecins inquiets

A quelques mois des élections professionnelles (prévues en fin d'année), les syndicats se montrent plus actifs et inflexibles que jamais, sur tous les dossiers.

A l'initiative de l'appel à manifester, les jeunes ou futurs médecins ont insisté sur "le malaise" des jeunes praticiens. Ainsi, venue de Lyon avec une soixantaine de confrères, Agnès Laville, généraliste de 33 ans, a choisi de porter une pancarte proclamant "j'étais généraliste", parce qu'elle a "peur pour l'avenir de sa profession". "Même si je suis un contre-exemple, les jeunes ne s'installent plus", affirme-t-elle.

La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) a, elle, réclamé le départ du gouvernement de Marisol Touraine, en accusant la ministre de vouloir "faire disparaître" les cliniques.

Même l'Ordre des médecins, d'ordinaire discret, a affiché son "soutien" à la manifestation, tout comme l'UMP François Fillon. 

Marisol lâche encore du lest

Marisol Touraine a pourtant lâché du lest lundi 9 mars, en acceptant des aménagements à son texte qui comporte aussi un important volet prévention. Elle a notamment reculé sur la délégation de la vaccination aux pharmaciens, qui fera l'objet d'"expérimentations" au lieu d'être inscrite dans la loi. 

Concernant l'extension du tiers payant à tous les Français en 2017 (dispense d'avance de frais lors des consultations), Marisol Touraine a discrètement reculé : comme le notait le Canard Enchaîné, cette mesure initialement prévue pour le 1er janvier 2017 doit faire l'objet d'une "période de rodage", et n'entrera en vigueur qu'à la fin de l'année 2017 (soit… après les élections présidentielles). Promesse de campagne de François Hollande, la mesure, plébiscitée par les patients, est aussi la plus critiquée par les libéraux, qui redoutent des difficultés à être remboursés rapidement. A noter que le projet de loi ne prévoit aucune sanction pour les médecins qui refuseraient d'appliquer ce tiers payant.

A l'issue de la manifestation, la ministre a reçu une délégation de médecins en colère. A l'issue de la rencontre, elle a déclaré avoir "déposé à l'Assemblée nationale des amendements qui permettent de répondre aux préoccupations" exprimées. Les amendements "portent principalement sur l'organisation des soins dans les territoires puisque les médecins avaient le sentiment que ce qui était proposé était un système étatisé, ce qui n'était pas mon objectif", a-t-elle expliqué. 

Mme Touraine a aussi confirmé à propos du tiers payant que seraient introduites "des garanties de paiement et l'instauration de pénalités de retard".

Syndicats déçus

De son côté, Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF (principal syndicat de médecins libéraux) s'est dit "déçu" de la rencontre avec la ministre. "Malgré la mobilisation historique aujourd'hui […] la ministre n'a pas bougé du tout", a-t-il expliqué à l'AFP. "La ministre a confirmé la généralisation du tiers payant par étape comme prévu, elle a confirmé l'expérimentation pour la vaccination chez le pharmacien alors que nous la refusons", a-t-il indiqué.

Selon lui, "aujourd'hui n'était qu'une étape, il est indispensable que les médecins restent mobilisés" pour notamment "continuer la bataille au niveau parlementaire" qui s'engage dès ce 17 mars avec l'arrivée du texte de loi en commission. 

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Autant de griefs, autant de slogans. "Tiers payant généralisé - médecins enchaînés, patients trompés",  "les Marisoldes de la santé", "loi Touraine nuit gravement à la santé", pouvait-on notamment lire dans le cortège, où se côtoyaient tee-shirts blancs (vendus dix euros pour l'occasion) blouses blanches et manifestants en tenue de bagnard. Les attaques contre la ministre fusaient aussi, comme ces pancartes où l'on pouvait lire "Touraine démago dégage vite ou fracas dans les urnes le 22 mars", lors des élections départementales, ou bien encore "rendez-nous Roselyne", en allusion à l'ancienne ministre Roselyne Bachelot. Au micro, des slogans "Touraine démission" étaient scandés.