Ch@t : êtes-vous hypocondriaque ?

Ch@t du 24 septembre 2009 Avec les réponses de Michel Lejoyeux, professeur en psychiatrie et Laetitia Bellais, psychologue à l'hôpital Fernand Widal (Paris)

La rédaction d'Allo Docteurs
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Ch@t : êtes-vous hypocondriaque ?

Les réponses de Michel Lejoyeux, professeur en psychiatrie

  • Pourquoi les hypocondriaques font-ils tant rire l'entourage alors qu'eux même souffrent beaucoup ?

La souffrance psychologique, quelles qu'en soient les causes ou les signes, est souvent mal connue et, de ce fait, moquée. C'est à lutter contre le déni, entre autres, que servent ces échanges.

  • Existe-t-il une différence entre hypocondrie et syndrome de Münchausen ?

Le syndrome de Münchausen consiste à simuler une maladie et à demander des soins pour une maladie que l'on n'a pas. L'hypocondriaque a plutôt peur des maladies dont il se croit atteint.

  • Comment puis-je aider ma grand-mère qui s'invente des opérations dont elle n'a pas besoin et se plaind toujours de nouvelles douleurs et maladies au point que personne ne veut plus aller la voir ?

En acceptant l'idée qu'elle ne s'invente rien mais qu'elle exprime ainsi son mal-être. Essayez de trouver les secrets de son comportement en mesurant sa tendance à l'optimisme et en repérant les pensées automatiques qui lui font interpréter de manière catastrophiste les manifestations normales de son corps.

  • Est-on hypocondriaque quand on a peur des médecins ?

On a surtout peur des maladies, tellement peur des maladies qu'on consulte trop. Mais cet excès de consultations est souvent une fuite en avant par rapport à la peur de la médecine. En fait, l'hypocondriaque conjure sa peur des médecins en assaillant la médecine.

  • Je suis devenue hypocondriaque depuis l'année dernière, suite à la découverte d'un MAV cérébrale. Maintenant je suis guérie mais je m'inquiète pour un rien. Est-ce qu'il y a des chances pour que ça s'arrange ?

Peut-être faut-il repérer, comme j'essaie de le suggérer dans mon livre, ses croyances automatiques (pessimisme, catastrophisme, généralisation) et muscler son niveau d'optimisme d'abord en l'évaluant ?

  • Je suis souvent pris de palpitations et j'ai toujours peur que mon coeur s'arrête suis-je hypocondriaque ?

La peur que le coeur s'arrête est une peur qui s'arrêtera après qu'un médecin ait confirmé qu'elle n'a pas de base "médicale" organique. Il restera ensuite à comprendre le chemin intellectuel qui mène de la palpitation (normale) à la peur de mourir. Là encore, on retrouve les croyances automatiques et aussi les effets de son histoire. J'essaie d'expliquer comment le passé et l'histoire déterminent soit le sentiment de bonne santé soit la peur de la maladie. Ceux qui ont eu très peur dans leur enfance (pour mille raisons) sont souvent "sensibilisés" au stress.

  • Je suis une de ces personnes maigre, stressée, fatiguée et bien encore, et ces symptômes sont souvent présents dans beaucoup de maladie. Or il peut être coûteux voire très laborieux d'effectuer toutes les batteries d'analyses qui me permettraient d'être rassurée. Que faut-il faire, relativiser et penser à autre chose ?

Ou plutôt penser à soi, ne pas fuir ses angoisses mais les regarder en face et voir ce qui les déclenche et les détermine.

  • Je ne comprends pas pourquoi ça serait une peur des médecins. Au contraire moi je trouve rassurant d'aller voir les médecins ils ne me font pas peur.

Vous avez raison l'hypocondrie est une fascination, mais une fascination teintée d'inquiétude, pour la médecine et les médecins.

  • Une amie me dit que je suis hypocondriaque car j'ai toujours (ou presque) un problème, tantôt un rhume, tantôt une douleur ici ou là, bref... ça ne m'amuse pas d'être toujours malade. Suis-je hypocondriaque ? Ma tête ferait-elle du mal à mon corps inconsciemment ?

La tête, indéniablement agit sur le corps. Je raconte dans "les secrets des comportements" comment les optimistes ont moins tendance à faire des caillots et comment ils vivent mieux et plus longtemps. C'est le sous-titre de mon livre.

  • Pour aider un hypocondriaque le seul moyen c'est qu'il consulte un psychologue mais pas facile à prendre comme décision et surtout à aller jusqu'au bout ?

Il faut présenter - et c'est vrai - le recours au spécialiste non comme une stigmatisation " vous êtes un grand malade" mais comme une étape sur le chemin de la connaissance de soi.

  • Moi je ressens beaucoup la peur de la mort ! C'est ça qui me bouffe en fait. Pas la peur d'avoir un truc grave du moment qu'on en guérit mais plutôt la crainte d'en mourir alors que j'aurais pu faire quelque chose.

On peut, face à cette peur, continuer à penser. Regardons comment la déterminent le pessimisme, les pensées automatiques catastrophistes, ce que j'appelle la névrose médiatique (actualité et virtuel). Demandons-nous aussi si cet état d'esprit n'est pas devenu une habitude dont on ne peut se passer.

  • Peut-être que l'hypocondriaque, finalement, fait tout ça (inconsciemment) pour attirer l'attention sur lui ?

Il y a sans doute une volonté inconsciente dans le fait de jouer avec sa peur... mais on doit pouvoir trouver d'autres manières d'accéder au plaisir et d'attirer l'attention sur soi.

  • J'ai 20 ans et au mois de juillet j'ai eu un accident de voiture, qui avec le choc de la ceinture, m'a mis de l'air entre les 2 poumons... Depuis ce jour j'ai des crises d'angoisses, et m'imagine des tas de truc pour rien. Comme là, j'ai une douleur au sein droit et je m'imagine que j'ai un cancer du sein ou tout autre maladie. Ai-je raison de m'inquiéter autant ?

La question n'est pas de se dire si l'on a raison ou pas mais de chercher ce qui est à l'origine de l'angoisse. Une fois encore, je vous propose les déterminants que je présente dans mon livre : notre histoire personnelle, notre optimisme, nos pensées automatiques, le poids de l'environnement et le poids de l'habitude.

  • J'ai souvent des migraines et je me sens souvent malade pourtant je ne suis pas du tout rassuré pas les médecins qui n'écoutent pas. Ce qui renforce mon inquiétude envers les problèmes que j'ai. Que dois-je faire, j'ai l'impression d'être hypocondriaque et pourtant je ne veux plus aller voir un médecin de peur qu'il me rigole au nez ?

Aucun médecin digne de ce nom ne "rigole au nez" de celui qui le consulte. Il essaiera sans doute de dédramatiser mais sans dérision.

  • Une douleur peut être psychologique ? Même quand elle a l'air réel ?

Toute douleur est réelle. Toute sensation est réelle. Toute douleur est psychologique et somatique. Elle a une part périphérique (l'organe qui souffre) et une part centrale ou psychologique (la manière dont la sensation douloureuse est intégrée, comprise, interprétée). Toutes les douleurs peuvent être améliorées par une action sur leurs causes extérieures et centrales.

  • Ne pas avoir de réponse à sa souffrance conduit à rechercher de l'aide et je ne pense pas que ce soit inutile de rechercher d'autres avis, les médecins ne sont pas tous clairvoyants et motivés.

Bien sûr mais certains le sont. Cela n'empêche pas leurs patients d'être légitimes quand ils cherchent d'autres avis.

  • Je suis étudiante dans le paramédical et je me rends compte que j'ai tendance à m'inquiéter pour un tout petit symptôme... et je n'ose pas consulter mon médecin. Que faire ?

On décrit volontiers le syndrome de l'étudiant en médecine ou de l'étudiant en soins infirmiers. Ce syndrome rappelle le poids des informations extérieures sur l'angoisse. Avec la poursuite des études, la connaissance de la médecine se précise et les angoisses diminuent ou se transforment, on a moins peur pour soi et plus peur pour ses malades.

  • Comment peut-on aider un hypocondriaque ? Quel traitement est préconisé ? Ma fille suit une psychothérapie depuis plus de deux ans et je ne vois pas d'amélioration ?

Il faut aussi apprendre à ne pas trop se soigner et à démédicaliser ce qui n'a pas besoin d'être soigné. Les psychothérapies efficaces agissent sur les déterminants de l'angoisse, le passé, les croyances automatiques et le niveau de pessimisme.

  • Il est difficile de vivre avec un hypocondriaque... J'ai demandé à mon ami de ne plus me parler de ses problèmes de santé... Est-ce que je fais bien ou est-ce qu'il risque de s'enfermer d'avantage dans ses problèmes ?

Il est important de rester mari ou femme quand son conjoint est malade et de résister à la tendance qui consiste à soigner celui qui demande en permanence des avis sur sa santé.

  • Je voudrais savoir si je suis hypocondriaque car je regarde le Magazine de la Santé tous les jours ?

C'est une habitude, une drogue bien gentille en quelque sorte et une bonne manière de s'informer. Passer de l'angoisse à la connaissance est une bonne manière d'évoquer les questions de santé sans les dramatiser.

  • Depuis 1 an mon ami se plaint de nombreuses pathologies (trouble du sommeil, courbature à la jambe, douleur au thorax, tremblement...), il est convaincu d'avoir une maladie neuro-dégénérative... Il a eu de nombreux examens tous normaux... Les troubles évoluent au fur et à mesure, voire disparaissent... Bref que faire ?

Seul le médecin généraliste donnera des réponses personnalisées en fonction des symptômes. Un généraliste suffisamment à l'écoute ni trop interventionniste ni trop absent est une chance pour l'hypocondriaque.

  • L'hypocondrie, la maladie des gens sans maladie ?

L'hypocondrie s'appelle aussi la maladie de la maladie. Dire que ce n'est pas une maladie reviendrait à ne pas reconnaître la part psychologique de nos difficultés.

  • Le fait de se dire souvent « ah c'est ça que j'ai » en visionnant des émissions de télévision ou en consultant des sites internet, c'est être hypocondriaque ?

Je définis dans "les secrets de nos comportements" cette pensée automatique qui s'appelle le biais d'auto-attribution. Il consiste à se considérer comme la première victime de toutes les menaces dont on entend parler.

  • L'obtention d'examens médicaux peut-elle permettre de rassurer un hypocondriaque ou bien n'est-ce que la porte ouverte à l'instauration d'un cercle vicieux ?

Si les examens sont justifiés médicalement, ils sont utiles. S'ils ne sont faits que pour des raisons "psychologiques", ils sont inutiles, coûteux et nocifs.

  • L'hypocondrie est-elle une maladie qui peut à terme disparaitre chez le patient ? Ou bien on reste hypocondriaque à vie ?

L'angoisse peut disparaître, se guérir, à la condition que l'on commence à la connaître et que l'on en identifie les déterminants.

  • Comment savoir si on est hypocondriaque ?

L'hypocondrie consiste à se croire malade alors que les avis médicaux qui vous sont donnés sont rassurants. C'est en quelque sorte une forme de pessimisme médical.

  • Dr Lejoyeux, j'ai posé 2 questions et 2 fois vous m'avez cité votre livre, vous avez gagné, je vais l'acheter, mais je ne risque pas de me trouver encore une maladie en le lisant ?

J'espère que non c'est normalement l'inverse !!!!

  • Aujourd'hui, la médecine ne répond pas toujours à la souffrance des patients, diagnostiqués avec retard parce qu'on n'a pas su reconnaitre les symptômes d'une maladie en mettant tout sur l'anxiété, la dépression voir l'hypocondrie.

C'est un des vrais dangers de la question de l'hypocondrie que vous pointez. On ne peut parler d'hypocondrie qu'après avoir exclu une maladie des organes.

  • Est-ce que la dépression peut être un facteur déclenchant ?

Le pessimisme est un facteur, la dépression en est un aussi.

  • Peut-on réellement être soigné ?

Oui tout en sachant qu'il faut parfois apprendre à ne pas trop se soigner...

  • J'ai 25 ans Tunisien, depuis quelques temps je stresse, je me suis mis dans la tête que j'ai des problèmes d'érection alors que je sais qu'il n'y a pas à s'en faire. Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne me drogue pas et je suis toujours vierge mais voilà, un cercle vicieux s'est installé, je ne sais pas comment en sortir ?

Ne serait-ce pas plutôt votre virginité qui vous fait douter de la qualité de vos érections ? Essayez de ne pas attacher trop d'importance à vos érections, détendez-vous en faisant de la relaxation. Rassurez-vous et reprenez confiance en vous. Un sexologue pourrait vous y aider ou voyez un thérapeute pour la relaxation et la confiance en vous.

Les réponses de Laetitia Bellais, psychologue

  • J'ai connu une personne qui se disait tout le temps malade et le jour, où cette personne m'a annoncé qu'elle avait un cancer, je ne l'ai pas crue. Comment faire la part des choses ? Comment aider une personne atteinte d'hypocondrie ?

Une personne atteinte d'hypocondrie est avant tout une personne anxieuse. Par conséquent, l'entourage ne peut pas toujours rassurer la personne. Faire appel à un professionnel de la santé peut permettre à cette personne d'exprimer ses peurs et ses inquiétudes.

  • Comment peut-on se soigner ?

Vous pouvez vous adresser à des professionnels de la santé (psychiatre, psychologue) qui travailleront sur les inquiétudes et les peurs et plus particulièrement un travail ciblé sur l'anxiété.

  • Je m'inquiète facilement en cas de symptôme inhabituel et récurrent, cependant, après consultation et éventuellement examens décidés par le médecin à la suite desquels je reçois tout apaisement, je suis rassurée, et... les symptômes disparaissent ! Suis-je hypocondriaque ou simplement angoissée ?

Peut-être un peu les deux. En effet les personnes hypocondriaques sont angoissées et en général pessimistes avec la crainte que quelque chose de grave ne leur arrive.

  • A partir de quel âge devient-on hypocondriaque ?

En général l'hypocondrie débute à l'âge adulte.

  • Sans parler de peur de maladie, le fait de se sentir rassuré par un suivi régulier chez les médecins et spécialistes, est-il une forme d'hypocondrie ?

Tout dépend de ce que vous appelez suivi régulier. Mais en effet il ne faut pas avoir peur d'aller voir des médecins ou spécialistes. Ce n'est pas le fait d'y aller qui va automatiquement déclencher l'hypocondrie.

  • J'ai 20 ans, et depuis quelques jours, j'ai mal à mon sein droit par moment. Je me mets dans la tête que j'ai un cancer, et m'invente un tas de maladies. Ai-je raison ?

Il ne s'agit pas de savoir si vous avez raison ou tort ! Sans être hypocondriaque, il ne faut pas non plus tomber dans la banalisation et minimisation des symptômes. Faites les examens nécessaires afin d'écarter l'hypothèse d'une quelconque maladie.

  • Devant ces nombreux symptômes, mon ami a vu toutes sortes de spécialistes mais refuse de voir un psy... comment l'en persuader ?

Il est difficile de forcer quelqu'un à consulter un psy. Dans un premier temps vous pouvez peut-être acheter des livres psycho-éducatifs qui lui permettront de cheminer...

  • Comment arriver à gérer cette anxiété (vu que l'hypocondriaque est un anxieux) afin d'arriver à vivre sans se demander chaque seconde si on a une maladie grave ?

L'anxiété peut se traiter selon l'intensité via des médicaments et/ou une thérapie (plutôt d'orientation comportementale et cognitive car elles ont démontré une efficacité).

  • Etre hypocondriaque, est-ce une maladie ? A t-elle des conséquences ?

En effet il s'agit d'un trouble qui entraîne des souffrances à la fois pour la personne mais aussi pour l'entourage.

  • Depuis presque un an je ressens des sensations bizarres, un peu comme si j'avais bu, j'ai consulté un neurologue qui m'a dit que c'était psychologique dû à des angoisses. Le problème est qu'au début ça me faisait ça uniquement dans les grandes surfaces, puis en voiture et maintenant c'est quasi en permanence ! Je suis suivi par un psychiatre mais j'ai toujours peur d'avoir quelque chose de plus grave. Vous en pensez quoi par rapport à mes symptômes ?

Dans la mesure où vous êtes suivi(e), je me permets de vous renvoyer vers votre psychiatre, lui avez-vous posé cette question ?

En savoir plus

  • Hypocondriaques, je vous ai compris !
    "Manuel à l'usage de ceux qui se croient foutus"
    Michel Cymes, Bernadette Oberkampf
    Ed. Jacob-Duvernet, août 2009
  • Les secrets de nos comportements
    "Pourquoi les optimistes vivent-ils plus longtemps, sont-ils plus riches et chantent-ils plus juste ?"
    Michel Lejoyeux
    Ed. Plon, septembre 2009