Alzheimer : une enzyme tueuse de mémoire identifiée

Une équipe française a mis en évidence chez des patients atteints de la maladie d'Alzheimer la présence en quantité très anormale d'une enzyme impliquée dans différents processus toxiques pour la mémoire. Cela pourrait devenir un outil de diagnostic précoce de la maladie et la cible de nouveaux traitements. Explications avec le Pr. Jacques Hugon.

Géraldine Zamansky
Rédigé le , mis à jour le

- Alzheimer : sur la piste de l'enzyme tueuse (reportage vidéo du 2 mai 2012) -

 "Nous devons rester prudents bien sûr, mais nous avons l'espoir que cette découverte permette d'élaborer un médicament qui freine la maladie d'Alzheimer et puisse même améliorer la mémoire des patients aux stades précoces de la pathologie", explique le Pr. Jacques Hugon, neurologue à l'hôpital Lariboisière et responsable de recherche à l'Inserm. La découverte publiée avec son équipe dans la revue Biological Psychiatry est en effet majeure. Ils ont montré pour la première fois qu'une enzyme connue pour être une véritable "tueuse" de mémoire était en quantité trois fois plus importante chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer que chez les autres.

Une véritable tueuse de mémoire

Cette enzyme, la protéine kinase R (PKR), a d'abord été identifiée dans le cadre de nos défenses immunitaires : en cas d'attaque virale par exemple, elle est produite par l'organisme et est capable de provoquer le "suicide" des cellules infectées.

En 2002, lorsqu'il travaillait à Hong-Kong, le Pr. Hugon avait déjà mis au jour sa présence dans les neurones de patients décédés après avoir développé la maladie d'Alzheimer. Depuis, plusieurs recherches ont établi son véritable profil de "tueuse" à plusieurs titres : "la PKR peut elle-même entraîner la mort des neurones, décrit le Pr. Hugon, mais elle stimule aussi directement et indirectement, via une inflammation, la production d'autres protéines (Tau et bêta-amyloïdes) dont les dépôts dans le cerveau détruisent aussi les neurones dans la maladie d'Alzheimer."

En outre, une équipe américaine a révélé en décembre 2011 qu'elle a une autre action toxique sur la mémoire en freinant les processus de mémorisation dans le cerveau. Ils l'ont prouvé avec des souris génétiquement modifiées pour ne plus produire de PKR qui se sont retrouvées avec une meilleure mémoire !

Cette protéine hautement destructrice a donc été retrouvée dans le liquide céphalo-rachidien prélevé par ponction lombaire sur des patients. "Des taux très élevés ont même été mesurés au stade précoce de la maladie qui se traduit par des troubles cognitifs légers (pertes de mémoire presque imperceptibles au quotidien, ndlr)", poursuit le Pr. Hugon.

La mesure de la PKR pourrait ainsi permettre de diagnostiquer le plus tôt possible la maladie d'Alzheimer. L'équipe a donc déposé un brevet avec l'AP-HP pour protéger ces travaux. Mais surtout, cette protéine constitue désormais une véritable cible pour de nouveaux traitements. "Nous cherchons maintenant à bloquer son action avec le maximum d'efficacité", annonce le neurologue. Et la publication de ces résultats va bien sûr encourager d'autres chercheurs à suivre cette piste. Espérons qu'ainsi, un traitement sera conçu plus rapidement !

Source : Biological Psychiatry

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