Alzheimer : une charte pour encadrer la géolocalisation des patients

Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l'Autonomie, vient de présenter un projet de charte pour réguler le recours à la géolocalisation (GPS), pour les patients atteints de la maladie d'Alzheimer ou de troubles proches. Plusieurs points importants restent à préciser.

Géraldine Zamansky
Rédigé le
Alzheimer : une charte pour encadrer la géolocalisation des patients

"Permettre de respecter deux exigences fondamentales (…) d'une part les droits et libertés des personnes (…) d'autre part la sécurité ou plus justement la sûreté de ces personnes", tel est l'objectif assigné par Michèle Delaunay au projet de "Charte sur les bonnes pratiques relatives à l'emploi des dispositifs de géolocalisation en gérontologie au bénéfice de personnes présentant des troubles des fonctions intellectuelles". Ce texte a été établi à partir des échanges réalisés ces derniers mois entre les différents acteurs concernés par la question : professionnels de santé, responsables d'établissements spécialisés, associations de patients et fabricants de ces matériels.

Eviter les dérives

L'énoncé de cet objectif ressemble aux messages qui ouvraient chaque épisode de "Mission impossible". Une des questions majeures pointées par cette charte est en effet celle du recueil du consentement du patient. "Il y a trop de dérives pour que ce principe fondamental ne soit pas rappelé", se réjouit Judith Mollard, experte psychologue à l'association France Alzheimer. "Il faut vraiment essayer d'inclure le patient, de l'informer", insiste-t-elle, "tout en étant capable de faire une place aux compromis". C'est-à-dire qu'il peut être nécessaire d'accepter une certaine part d'inconnu quant à la réelle compréhension du dispositif par son destinataire. "Ce point est très complexe", confirme le Dr Geneviève Ruault, déléguée générale de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie (SFGG). Selon elle, "avec ces pathologies, cela peut être "oui" à 10h, "non" à midi, puis une nouvelle approbation dans l'après-midi !".

Eviter l'enfermement

L'essentiel est alors de veiller au réel bénéfice généré. "Pas question d'attribuer systématiquement une géolocalisation dès le diagnostic de maladie d'Alzheimer", s'inquiète Judith Molard. "Et surtout pas à la place d'une présence humaine. Vaut-il mieux enfermer quelqu'un chez lui ou avoir ce dispositif ?" interroge la gériatre. "Le bilan de chaque évaluation doit conclure à un bénéfice en matière de liberté de mouvement et d'autonomie" indique-t-elle. Qui va réaliser cette évaluation ?  En établissement, l'avis médical personnalisé est recommandé par la charte. "C'est une bonne piste", se réjouit le Dr Ruault, car "le directeur de l'établissement ne doit pas décider seul." Mais pour les particuliers, le texte envisage le recours à un médecin expert en plus du médecin traitant. "Le principe est intéressant", commente Judith Mollard de France Alzheimer, "mais quelles familles vont pouvoir payer les 160 euros d'honoraires correspondants ?".

Des dispositifs remboursés ?

Beaucoup de précisions restent à apporter en matière de coût, mais également sur la qualité des prestations et la nature des contrats proposés. "Il était urgent de réunir tout le monde autour de la table, fabricants compris", explique-t-on au ministère de Michèle Delaunay, "car ces dispositifs se développent déjà !". Mais impossible de savoir si les pouvoirs publics définiront un processus permettant le remboursement des GPS sous prescription médicale. Seule réponse : "Cela fait partie des points à préciser.. ", et de poursuivre, "les prestataires annoncent une baisse des prix dès que les quantités augmenteront. Mais les tarifs sont actuellement autour de 150 euros pour le matériel et de 80 euros par mois l'abonnement".

Attention aux contrats

À France Alzheimer, Judith Molard souligne l'importance de ces questions. "Il y a le coût lui-même bien sûr, mais aussi les conditions du contrat. Nous souhaitons des systèmes de location, la définition de périodes d'essai et la possibilité de se rétracter", poursuit la psychologue. Selon elle, "le dispositif peut en effet s'avérer ingérable, soit du fait du refus de son bénéficiaire, soit de sorties du périmètre de sécurité si fréquentes que le prestataire ne pourra pas suivre par exemple".

Le ministère réfléchit donc à un agrément qui serait délivré par le Centre National de Référence Santé à domicile et autonomie. Un point tout sauf anecdotique compte tenu des réserves pointées notamment par l’Institut National de la Consommation qui a testé 8 services. Tous les défauts mis au jour par l’étude publiée en 2011 dans son magazine 60 Millions de consommateurs appelaient à "une norme pour encadrer (…) et assainir les contrats et la commercialisation". Plusieurs établissements prenant en charge des patients atteints de la maladie d’Alzheimer se sont portés candidats pour devenir dès cet été des sites pilotes d’expérimentation. Le ministère a donc donné rendez-vous en septembre à tous les intervenants concernés pour finaliser ce projet de charte.

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